My heart swings between... /feat Nathaniel

L'humidité commençait à prendre sa place. Le noir envahissait les rues de la ville et je m'empressais de rejoindre le bar du coin. Un endroit convivial, comme si toute la peine de Lyon s'évanouissait dans ce petit espace. Les personnes affichaient leurs plus beaux sourires, leurs plus belles parures, parfois décontractées, mais toujours recherchées avec soin. La vie, une fois l'astre de nuit trônant dans le ciel, changeait quelque peu. Les gens semblaient un peu plus enjôleurs, un peu plus sincères, un peu plus fidèles à leur âme. En effet, les superficialités du rythme routinier de la plupart des Hommes s'évanouissaient pour laisser un peu plus le bonheur s'exprimer, laissant, pour la plupart, leurs névroses entre parenthèses.
Il n'y avait pas beaucoup d'endroits où je pouvais ressentir cette pause émotionnelle. Bien que les désirs ambiants contrôlaient la plupart des pulsions de mes voisins de fortune, je m'étais maintenant habituée à toutes ces informations invisibles et je gérais un peu plus ma réceptivité. Je me fondais enfin dans la masse, le cheminement de mon adaptation se faisait rapidement et j'en étais assez fière. C'est donc sûre, la démarche assurée que je virevoltais à présent au milieu de la foule dragueuse, oppressante, mais qui restait si chaleureuse et rassurante.
Dévisageant les autres silhouettes accoudées au bar, je me faisais discrète et commandais un cocktail de couleur rouge parsemé de jaune. J'aimais la présence d'un alcool bien fort entremêlé dans un panel de fruits différents, souvent exotiques, et ce nectar ne pouvait que me titiller, me réveiller et ainsi appuyer avec insistance sur mes sens pour enfin travailler sur le lâché-prise en général.
Maintenant plus légère, plus avenante, plus sociable et plus encline à la liberté, mon corps se leva, finissant mon verre d'une traite pour rejoindre le centre de la pièce et me mettre à bouger avec grâce et délicatesse. Mes cheveux perforaient le vide, j'accusais le regard des filles jalouses visualisant le spectacle de ma danse tranquille qui attirait quelques hommes auprès de mon corps. Je leur lançais un sourire, comme une invitation à me rejoindre. Je le vivais comme une transe, nous faisions tous parti d'un tout, et je souhaitais plus que quiconque, partager, même sans un mot, chaque moment de plaisir simple que nous offrait cette vie de fou.

Le bonheur m'accompagnait, se mélangeant à mes instincts primaires, qui eux, hurlaient l'euphorie. Lorsqu'on me croisait, on ne devait sûrement voir que mes dents et ressentir une énergie très positive. Je me rassis sur mon assise précédente, commandant une deuxième tournée de mon petit pêché mignon. Je me recentrais, calmant ainsi mes émois, et par hasard, ma concentration devint un peu plus accrue. Je sentais dorénavant la nature de mes acolytes d'un soir et tous n'émanait pas la même chose. Je ne pouvais dire ni qui, ni quoi, me provoquait ces pulsations incessantes de prudence, mais je sentais bien que le mal rôdait toujours. Les vibrations étaient fluctuantes et je ne souhaitais qu'une seule chose, profiter à fond.
Malheureusement, mon but à atteindre s'éloignait un peu plus de moi et je ne pouvais qu'accepter la situation. Patiente et obstinée, mais toujours défiante, je me laissais glisser ainsi sur le fil du destin et celui-ci me réservait une surprise assez désagréable. Un énième paradoxe, la vision de cet homme me provoqua la lassitude et l'attirance à la fois. Il était là, lui, avec son regard de braise et son corps, admettons le, plus qu'appétissant. Il détenait aussi ce charme provocateur et ô combien sulfureux. L'excitation et la peur ne formaient qu'une boule gigantesque en mon sein et je décidais de me faire toute petite, espérant là qu'il ne me verrait pas. Vain espoir, il se dirigea droit devant moi et j'avais cette impression que la foule s'écartait sur son passage. Sûrement une hallucination conséquente de son charisme exemplaire. Bref, je m'empressais de me délecter de mon mélange alcoolisé, mais il prit place derrière moi posant fermement sa main sur mon bras.
Le contact viril me fit monter les frissons de la tête aux pieds. Je ne dis rien, silencieuse et réfractaire. Mon regard croisa le sien et j'essayai tant bien que mal de lui traduire mon intention de le rejeter entièrement. Après tout, il s'agissait de l'ennemi, l'homme en question était en réalité une créature avide de sang et de violence. La mort seule l'excitait vraiment, c'était là sa nature, la raison de son existence. Oui, il s'agissait bien d'un vampire.

Avec étonnement, j'avais appris que certains de mes nouveaux compagnons de route acceptaient de traiter avec ce genre de monstres, mais je ne pouvais m’empêcher de me montrer plus extrême, plus radicale. Peu m'importaient les raisons pour lesquelles il avait obtenu le droit de circuler parmi nous en toute liberté, je n'étais absolument pas d'accord avec cette façon de se montrer tolérant envers ces êtres méphistophélique ! C'était incroyablement inconcevable, mais comment pouvait-on se prétendre soldat du bien lorsque l'on pactisait avec l'ennemi ? Cela me dépassait totalement et mon instinct me dictait l'éradication de ces saltimbanques de l'enfer...
Il aurait mieux valu, pour lui, faire demi-tour en cette soirée, mais je commençais à le connaître et à chaque reprise, il arrivait à me déstabiliser. Cette fois, j'en étais certaine, je ne lui laisserais pas l'occasion de me manipuler, ni de se jouer de mes désirs, il me suffisait juste de trouver ce petit morceau de bois sculpté et meurtrier pour enfin franchir le pas et lui enfoncer ce pieu en plein dans le cœur.

La loi de la jungle s’installait dans ce lieu de débauche nocturne. Le désir sauvage du vampire m'entourait de ses bras musclés, et j'avais beau me débattre, mes pulsions, elles, sen trouvaient bien au chaud et ne désiraient qu'une chose, s'abandonner entièrement, simplement succomber. Rien que de sentir sa main posée fermement sur mon bras déclenchais déjà le frisson de l'envie et celui-ci s’amusait à venir chatouiller délicatement chaque parcelle de mon corps. C'était comme si l'ambiance, mélange de mort, de fête et de sexe, s’accaparait entièrement de mes émois. J'essayais tant bien que mal de raisonner mes émotions, mais il s'agissait d'une lutte permanente de chaque seconde pour ne pas céder à la luxure qui ferait de moi une de ses personnes flirtant avec le danger, laissant le vice envahir ma vie... Non, je m'y refusais coûte que coûte, mais le résultat de tout ça était bel et bien l'extrémisme de mes réactions.
Il n'y avait plus de gris, seulement le noir qui bousculait le blanc et inversement. Une valse du sentiment se jouait en mon sein. Les battements de tambour qui résonnaient à l'intérieur et me faisaient tant vibrer, étaient les véritables ennemis. Il fallait que je garde l'esprit sage et en paix, mais le regard pénétrant du beau cadavre ténébreux me déstabilisait et je ne parvenais pas me raisonner. Il était plus facile de désirer sa disparition plutôt que d'admettre quelconque forme d'attirance envers cette créature vile et tentatrice. Je ne pouvais déroger à la morale, à ma morale, ou en tout cas, je m'y interdisais si fort que j'en devenais presque aveugle, déposant là un voile en cote de maille sur mes sentiments, certes éphémères et bestiales, mais hurlant la vérité dérangeante de mon état de mortel plus animal que spirituel à ce moment-là précisément.

Nathaniel connaissait son pouvoir d’attraction et il en usait si bien. Chacun de ses gestes était guidé par l'excitation grandissante et il savait si bien où déposer ses doigts masculins que mon souffle s'accélérait d'une manière saccadée. Virtuose de la caresse, sentant viscéralement ses lèvres s'offrir à moi à chaque parole qu'il prononçait, perçant ainsi mon regard avec le bleu océan du sien. Oui, il connaissait le potentiel de son physique, maîtrisant comme un chef son attitude enjôleuse. Un mâle respectueux et ambitieux devant sa proie, usant de tous ses atouts avec une assurance certaine et il fallait dire qu'il en détenait un gros paquet ! Il m'était très difficile de résister à cette attraction magnétique qui se jouait à cette heure. C'est suavement qu'il me murmura ces premiers mots accompagnés de ses actes réfléchis, tendres, provocateurs, et le frisson de l'envie se transforma en un amas de vibrations affolantes de sensualité qui pourraient avoir la force de me faire tressaillir à tout moment.
C'est ainsi que la violence vint à ma rescousse, je le repoussais avec force, saisissant sa main en quête de ma peau, pour la tenir le plus éloigné possible de celle-ci. Je me donnais une constance, mes pieds ancrés dans la terre. Prête à partir, je fus prise de court lorsqu'il commanda un verre. Il semblait plus patient qu'auparavant, il persévérait dans sa quête, espérant ainsi me mettre dans son lit, mais son attitude, la scène qui se jouait là devant moi, l'avait déjà trahi.

À la fois un peu jalouse mais satisfaite de ce qui se déroulait en un millième de seconde devant ma personne, je restais comme scotchée. Mes sourcils tirés vers le haut, la main sur la hanche, j'observais la complicité qui émanait de ces paroles futiles échangées entre mon beau suceur de sang et sa serveuse. Au lieu de tourner les talons comme je l'avais prévu et comme à chaque reprise de nos rencontres indésirables, j'esquissais un sourire en coin avant de le remettre vite à sa place, accusant là le coup de ne pas être la seule femme à lui plaire.
Il se grillait tout seul, et s'il avait espéré me faire plier ce soir, il venait tout à coup de me redresser sans s'en rendre compte et je comptais bien m'en amuser à ses dépens. Après tout, j'avais beau l'envie de le voir réduit en poussière, je pouvais un peu m'amuser avec son ego, histoire de voir jusqu'où il serait capable d'aller si je mettais un point d'honneur à faire enrager la bête latente qui se cachait au fond de son cœur rabougris.

Pauvre Nathaniel. Tu sais que tu me fais de la peine à enfiler un nouveau costume de séducteur chaque soir. Crois-tu réellement que je suis si naïve ? Tu ne t'en caches même pas... Laisse-moi te dire une chose mon mignon... Je ne figurerai jamais sur ton tableau de chasse pour le titre de séducteur de l'année que tu as l'air de tant convoiter.

Tout en assénant ces dernières paroles, je lui fis comprendre, par mon attention portée sur la petite serveuse, que j'avais bien compris la complicité particulière que ces deux-là partageaient maintenant.
Un petit rire étouffé sorti de ma bouche avant de la dévisager de haut en bas, lui faisant bien comprendre qu'il restait inférieur à mon existence même, le jugeant inlassablement faible, limite moqueuse de ses bas instincts...