I really need to know | feat Charlotte

Tu as eu un nom et une adresse. C'est tout. C'est à peine si tu eu droit à des explications de la part du Conseil. Pourquoi on te l'affecte? Pourquoi seulement maintenant? Et surtout, depuis combien de temps est-elle une potentielle? Qui était son ancien observateur? La personne au bout du fil n'était pas des plus bavardes et ça t'avais bien agacée. Au final, tu soupçonnais ton interlocuteur de ne guère en savoir plus que toi alors tu as raccroché. Sous cette couche d'agacement se cachait une terreur pernicieuse. Elle se répandait comme un poison dans ton organisme. Cette crainte de voir ta protégée mourir alors que ton rôle est de la former, lui apprendre à lutter... et de manière totalement paradoxale, ton rôle est d'également lui apprendre à mourir pour la cause.

Tu soupirs et frappes deux coups à la porte de son appartement. Tu as attendu la tombée de la nuit pour te rendre chez elle. De manière totalement objective, elle risquait d'être absente la journée devant probablement travailler ou se rendre aux études. D'un autre côté il s'agit d'une potentielle qui connait sa fonction. Le risque qu'elle soit déjà en chasse n'est pas à négliger. Alors tu patientes devant la porte, tes mains enfoncées dans les poches de ton blouson de cuir. Lorsqu'enfin la porte s'ouvre, tu affiches ton sourire si chaleureux, si séduisant. Celui que tu arbores pour charmer et envoûter car tu sais si bien le faire. Malgré la boule à la gorge tu ne laisses rien transparaître. Tu es le guide. Son guide. Tu ne peux te permettre le moindre signe de faiblesse.

— Bonsoir, tu es bien Charlotte Lelouvetier?

Tu la questionnes mais t'es tellement certaine de la réponse que tu ne lui laisses pas l'occasion de répondre, justement et tu enchaînes, une main tendue vers elle.

— Savannah Marshall, ta nouvelle observatrice.

Tu te l'accordes volontiers, c'est d'un manque de tact affligeant mais au moins, c'est fait. Un peu comme un sparadrap qu'on retire d'un coup sec. L'important dans le fond, c'est que tu gardes cette assurance qui te caractérise si bien. Tu sais ce que tu fais. Malgré l'angoisse et l'appréhension, tu sais parfaitement dans quoi tu te lances et la surprendre ainsi n'est qu'une manière pour toi de la désarçonner et d'évaluer ainsi l'aplomb de ta nouvelle protégée.

— Je peux rentrer?

Une nouvelle affection. Un nouveau Mentor à venir... Charlotte n'était à Lyon que depuis peu de temps, ayant réussi à se trouver un petit appart, dans son budget et dans un environnement asse calme. Certes elle se méfiait des voisins pouvant être trop curieux ou mal intentionnés, mais pour le moment, elle n'avait que cela... Pas comme si elle et les autres avaient des logements de fonctions.. Ca non. Mandatées pour surveiller la zone, oui... Mais il leur fallait être assez débrouillardes... Cela lui convenait. C'était une jeune femme assez indépendante, et se dépatouiller de tout ça sans forcément avoir à en rendre compte lui allait.

Quelques cartons et valises l'accompagnaient. Elle n'était pas spécialement attachée aux biens matériels, et ne prenait en général que le strict nécessaire en fringues et choses importantes. Un ordi portable, des photos étaient aussi précieusement déballés. Elle prenait possession de cet espace qui deviendrait son foyer pendant un certain temps. Elle avait le nez dans une pile de dossiers fraichement ouverts quand on frappa à la porte, la faisant se raidir de surprise, n'ayant été avertie d'une venue amie... Elle referma sèchement les dossiers, les remettant à la hâte dans leur carton, le refermant qu'on ne puisse rien en voir, avant de s'empresser, sur le qui-vive à aller voir de quoi il retournait.

Un ennemi aurait déjà attaqué la porte, ce ne pouvait donc qu'être quelqu'un de confiance, non? Ouvrant alors, elle tombe nez à nez avec une femme expérimenté, de part sa carrure qui questionne la demoiselle... Ah... Et bien il ne lui aura pas fallut attendre longtemps...

"-C'est bien moi, heureuse de faire votre connaissance, Madame. Oui, bien sûr, entrez."

Se décalant pour laisser sa nouvelle Mentor entrer, la Potentielle referma ensuite, non sans jeter un coup d'oeil dans le couloir, par réflexe. C'était la première fois qu'elle aurait affaire à une femme... Elle était curieuse de voir ce qui en découlerait..

"-Souhaitez vous un verre? Un café? Désolée pour le bazar, je n'ai pas encore prit le temps de défaire mes cartons..."

La brunette avisa les papiers qu'elle consultait un peu plus tôt... Un des croquis nettement visible... Pour la discrétion, on repassera... Il lui faudra sans doute travailler de tels réflexes, pouvoir camoufler des choses devant demeurer secrètes rapidement... Quelle poisse...

"-Je consultais des dossiers qui m'ont été remis, avec ma convocation à rejoindre la ville. Il paraît que nous avons été plusieurs à être mutées... La situation est si sombre que cela?"

La différence est flagrante entre les potentielles aguerrit et les nouvelles. Le premier contact, par exemple, est d'une différence affolante. Tu n'as pas eu à la convaincre. Tu n'as pas eu à lui expliquer ton rôle, ni le sien. Tu n'as pas eu à lui donner rendez-vous sordide au milieu d'un cimetière. Tu n'as pas eu à lui montrer un vampire pour qu'elle réalise quoi que ce soit. Non. Pas besoin. Il t'a suffit de te présenter et là voilà qui se décale pour te laisser entrer. D'une certaine manière, tu apprécies. Alors tu la gratifies d'un sourire et pénètres les lieux.

Un seul coup d’œil te suffit pour réaliser qu'elle vient d'emménager. Tu es d'ailleurs surprise de l'entendre ainsi s'excuser pour le désordre. Si elle est effectivement nouvelle en ville, alors elle a sûrement du gérer de la paperasse, la recherche d'un travail, se remettre d'une possible perte. Dans ce genre de situation le rangement n'est pas au cœur de nos priorités et tu le comprends parfaitement. Tu décides donc de ne pas relever cette partie.

— Je veux bien une bière, si tu en as, bien évidemment.

Tu réalises également qu'elle te vouvoie. Te trouve t-elle trop vieille pour être tutoyée? Ou est-ce à cause de ton statut d'observatrice? Tu ne serais pas étonnée qu'on lui ai appris à vouvoyer son mentor. Trop de règles inutiles et superflus. Les mains toujours dans les poches de ton blouson, tu avises un peu les lieux du regard. Tu remarques rapidement cette petite pile de dossiers qui traînent. Bien qu'intriguée, tu ne poses aucune question... c'est toutefois ta protégée qui se sent obligée d'en parler. Si la situation est grave? Tu lâches un soupir et retires ta vestes en cuir.

— Il semblerait bien que oui.

Maintenant que la conversation est entamée, autant prendre tes aises. Surtout que tu l'attends ta bière et tu n'as pas vraiment envie de la boire debout. Tu vas donc t’asseoir sur le canapé.  

— Malheureusement, nous avons pas de problème identifiable, si on peut dire les choses ainsi. On sait que la bouche de l'enfer commence à saliver mais pour faire quoi? Aucune idée. Toutefois on sait que ça attire les créatures surnaturelles en ville.

Tu devines que les potentielles sont là comme chair à canon. Si une guerre éclate, elles seront en première ligne, peu importe si elles sont prêtes ou non. Tu sais également que le Conseil voit Lyon comme l'endroit parfait pour entraîner les potentielles à devenir la Tueuse. Tu n'apprécies pas vraiment cette manière de faire mais dans le fond le Conseil n'a pas tord.  

— Dis-moi, Charlotte, tu combats depuis combien de temps?  

"-Une bière? Oui, tout de suite."

Allant au frigo, voilà la jeune Potentielle prendre la boisson souhaitée, pour la tendre ensuite à sa nouvelle Mentor, échangeant des questions et réponses, faisant, somme toute connaissance. Dans les semaines et mois à venir, elles auront à travailler ensemble, autant commencer maintenant.. Charlotte rejoint l'Observatrice, s’asseyant à son tour, tirant les dossiers du carton pour les poser sur la table... Il semblerait bien que la situation ne soit pas des plus optimistes...

"-Si je comprend bien, on sait que la bouche de l'enfer s'active, on ne sait pas encore dans quelle ampleur... Mais nous sommes sur le qui-vive, et renforçons nos rangs.. Il y a rarement eu autant de Potentielles en un même endroit, pour ce que j'en sais, non? Cela pourrait autant être source de sécurité que de nous attirer des ennuis, non?"

Elle repensait à ce Loup qui avait tué son premier Mentor, qu'elle tâchait de surveiller de loin en loin. Elle avait apprit qu'il agissait vraisemblablement en groupe, visant les proches des Potentielles ayant la mauvaise idée de se laisser ainsi rendre vulnérables.. Les hautes instances en étaient-elles informées? Charlotte n'en savait rien, préférait taire ses soupçons et surveillances, faute de preuves concrètes... Une traque personnelle...

"-Ma famille m'a confié au Conseil depuis mon plus jeune âge. Je n'ai plus aucun souvenir de mes parents. Ils n'ont jamais tenté de prendre contact. Ils m'auraient abandonnés, que ça ne ferait guère de différence... Mon premier Mentor m'a élevée, formée. Il a été tué il y a quelques années... J'ai ensuite été au contact d'un second Mentor, qui a préparé ma mutation pour ici, me donnant des conseils et m'aidant à me trouver ce logement, entre autre. Je combat depuis pas mal de temps. Je sais que je suis loin de tout savoir, qu'il me reste encore beaucoup à apprendre. Mais ce qui doit être fait le sera. Quoi qu'il arrive."

Elle connaissait ses engagements, elle avait bien conscience des risques encourus.. Ca oui.. Mais Charlotte disait vrai. Elle se battrait jusqu'au bout pour que l'équilibre des choses demeure ce qu'il était. Endiguer l'activité de la bouche des enfer, éviter les dérapages des créatures surnaturelles... C'était là son but. L'objectif de toutes Potentielles... Et si autant étaient réunies en ce lieu... Peut-être même que la Tueuse en personne sillonnait la ville... A elle les plus vilains monstres, à ses éventuelles remplaçantes de faire barrage pour les soucis moindres et plus facilement gérables. Cela convenait bien à Charlotte. Même si elle était un peu tête brûlée et fonceuse, ces derniers temps.