Welcome in Hell | feat Rose

La pluie londonienne inondait mes cheveux d'or, silencieuse, décidée et emplie de rêves, je fantasmais sur mon futur proche. Un rendez-vous sur la bouche de l'enfer, moi qui n'avais jamais quitté mon petit morceau de terre, oui, une sacrée promesse ambitieuse et qui pouvait enfin répondre à mes attentes et annoncait mille dangers à la fois. Une porte s'ouvrait sur l'aventure et je marchais droit devant, sans même regarder derrière moi, même si la tâche restait ardue. Il fallait me comprendre, la forêt, où mon refuge, mon autre même, la nature avait été mon seul repère. Comment allais-je me comporter seule ? Comment allais-je gérer toutes ces énergies humaines encore floues pour la sorcière que j'étais et qui n'avait connu que ses semblables ? Les questions se bousculaient et je les laissais tracer leur chemin. Le cerveau en ébullition, je m’efforçais de faire le vide, d'enterrer ses doutes qui s'amusaient avec mes émotions. Puis le matin vint, et me voilà face à mon rendez-vous, certes incertain, mais si grisant au fond...

Il était venu, il était là devant moi, il m'emmenait là où l'inconnu me tendait les bras. Il m'avait chopée, toute entière, éprise d'un sentiment radicalement paradoxal, je n'avais pas réussi à fermer l’œil de la nuit. Le Destin me faisait danser et ce tango endiablé ne cessait de me rendre impatiente, enjouée, satisfaite, mais cette satanée angoisse presque absolue se tenait en partenaire et elle se nichait profondément en mon sein. Partagée, balancée entre tous mes sentiments en guerre perpétuelle, je me laissais guider, résiliée, ayant lâché prise, j'enlaçais ma destinée sans retenue... Je ne contrôlais plus rien, je l'avais choisi et tant désiré durant les dernières années de mon existence et il me faisait enfin l'honneur de m'accompagner vers ce doux rêve d'une vie lunatique, mais à coup sûr utile.
En effet, on m'envoyait dans ce beau pays qu'était la France avec des responsabilités oppressantes, mais ô combien méritantes. Après tout, je me devais de servir ce monde qui m'avait tant donné depuis toujours. C'est un juste retour des choses, un cycle, comme celui de la vie, chaque âme se devaient d'accomplir son parcours, encore fallait-il en avoir la volonté et croyez moi, je n'en manquais pas, bien au contraire.

A présent plus traqueuse que terrifiée, je déposais le pied en gare de Lyon. Mes yeux avaient déjà pu se rassasier par ce voyage précaire, et je devais enfin pouvoir rencontrer mon interlocutrice. Il s'agissait d'une observatrice réputée pour sa détermination à toute épreuve et un caractère bien trempé. Oui, le seul homme qui faisait partie de ma vie avait joué des ficelles pour me permettre de me réaliser ici ; puisque lui aussi était observateur, je me trouvais plutôt confiante et heureuse, cette femme ne pouvait qu'avoir une sensibilité équivalente à la mienne lorsqu'il s'agissait de lutter contre les forces du mal. Je n'aurais pas besoin de me cacher, de faire attention, j'attendais beaucoup de cette rencontre. Quand on me connaissait, c'était évident, passée sa vie entière entourée de femmes, qui plus est, se trouvaient être semblable à des sœurs, sans parler d'un parcours dicté par les règles de la confrérie, auréolé d'une énergie éternelle de bienveillance, apprenant à maîtriser mes dons tout en respectant le fonctionnement de notre Univers. L'adaptation aurait pu se faire avec énormément de complications, mais apparemment Savannah était là pour me guider, m'installer même, mais je ne savais pas si cette dernière s'attendait à voir la femme abstraite que j'allais être à ses côtés. Personnellement, je ne me posais pas forcément la question, mais à présent, je ressentais comme un choc de culture. Observatrice, mes voisins de trajet me semblaient déjà tous originaux, je ne pouvais m'empêcher de laisser mon regard épouser les formes masculines avoisinantes tout en laissant cette obsession de décortiquer toutes les petites manies de tous ces inconnus, hommes ou femmes, aux histoires passionnantes, j'en étais certaine. Piquée au vif dans ma curiosité, c'était plus fort que moi, et bien que je regardais simplement cette vie se jouer autour de moi, je déclenchais accidentellement un certain mal aise quand ils se rendaient compte de mes analyses sûrement trop envahissantes à leurs yeux. Oui, j'eus plusieurs regard interrogateur et quelques départs soudain afin de s'éloigner de ma personne. Bref, je n'avais pas encore décroché un mot et pourtant, je sentais bien qu'il allait falloir apprivoiser cette nouvelle page.

Une voix féminine scandait mon prénom parmi la foule de gens agités, je me retournai et elle se présenta rapidement. Elle était incroyablement belle, souriante et débordante d'énergie. J'affichais un large sourire instinctivement et lui tendis la main.

« Bonjour Savannah, je suis heureuse de te connaître. Je te tends la main, mais on m'a dit que les Français préféraient faire la bise, c'est vrai ? »

Je ne décrochais pas de son regard triste, elle dégageait ce petit quelque chose qui me faisait me sentir en sécurité. Me voilà plus que ravie en ce premier jour d'aventure!

Ma main toucha la sienne et je sentis que je ne m'étais pas trompé à son égard. En effet, la chaleur de sa peau contre la mienne me fit parcourir un frisson d'émotion. À présent, j'en étais certaine, j'étais en très bonne compagnie, son aura ne mentait pas, cette énergie que je frôlais en cet instant présageait une femme solide et bien ancrée dans la réalité, d'une simplicité bienveillante et prometteuse. Bref, je me sentais bien, comme entourée par un drap de soie qui me caressait doucement tout comme il me réchauffait le corps et le cœur. L'excitation de mon arrivée contrebalançait avec la fatigue du voyage. Nous continuâmes ainsi notre route, mes yeux ne pouvaient s'empêcher de capter toutes les photos visuelles que je pouvais absorber. La vie simple se jouait tout autour de moi et ma curiosité titillait mon regard. Je ne pouvais m'empêcher de décortiquer chaque personne croisant mon chemin, certains ne se rendaient compte de rien, quand d'autres s'interrogeaient encore sur ma façon de les dévisager, décryptant chaque expression faciales ainsi que les formes épousant leurs corps tous si différents. Fascinée, sûrement indiscrète, c'était plus fort que moi. Je me posais mille questions, me demandant surtout ce que tous ces inconnus pouvaient ainsi ressentir quand ils ignoraient les vérités de ce monde. Quelles choses étaient importantes à leurs yeux, pourquoi se battaient-ils, quelles étaient leurs valeurs et comment faisaient-ils pour se tenir là, dans le bain de ce centre d'énergie mystique et négative sans se rendre compte réellement des enjeux de chacun de leur destin ? Oui, je les voyais semblables à une fourmilière où chacun de leurs chemins se jouait sur la roue du destin. Il ne restait qu'à se laisser surprendre par tout ce petit monde et laisser faire le temps pour trouver ma place sur cette parcelle de vie nouvelle.

L'observatrice me fit esquisser un sourire lorsqu'elle répondit à ma première question. Les coutumes et usages étaient si particuliers en France. La bise, qui semblait si naturelle ici ne l'était nulle part ailleurs, ou en tout cas, elle ne l'était ni pour l'une ni pour l'autre, mais il s'agissait de la France, et ne disait on pas que c'était le pays de l'amour ? Dans ce cas, cela n'allait pas me déranger, la façon de se saluer bouleversait déjà mes habitudes, mais j'allais vite m'y faire et je voyais même là une façon de respecter l'essence de ce pays qui m'accueillait aujourd'hui.
Savannah me laissa ensuite le choix, respectant ainsi mes envies, prenant soin de son invitée. Je lui souris à nouveau, satisfaite de sa générosité. Mes yeux pétillaient déjà et le choix ne fut pas compliqué. Bien que madame fatigue me tenait la main depuis mon arrivée sur la bouche de l'enfer, j'étais littéralement bouffée par cette soif de savoir, de découverte. Je souhaitais connaître mon nouveau chez moi. Non, pas seulement mon nouvel appartement, mais bien ma nouvelle ville. Je sautais donc sur l'occasion de laisser la brunette me surprendre pour mes premières foulées dans le cœur de Lyon.

Je suis exténuée, c'est vrai, mais je suis tellement heureuse d'être ici, si tu savais.

Je lançais ces quelques mots tout en examinant les alentours. Les quelques néons éteints en pleine journée laissaient paraître une vie nocturne riche. Les bars et cafés se remplissaient, laissant les gens profiter du soleil, sirotant leurs liquides en extérieur. Tout me donnait envie. Les odeurs des mets sur le pouce, des cocktails ou bien même d'un simple café ravissaient mes sens qui s'éveillaient au rythme de ma découverte.

Excuse moi Savannah, je mets du temps à te répondre, mais tu sais, pour moi, tout est nouveau ! Je ne sais pas si tu connais un peu mon histoire où bien même l'endroit duquel je viens, mais j'ai l'impression qu'un tas d'univers s'ouvrent et se présentent à moi et j'ai cette envie irrépressible d'y plonger, tête la première, et me laisser emmener là où le vent me mène.
Alors bien que je sois exténuée, c'est vrai, j'aimerais que tu me surprennes, que tu me fasses partager ta vie, j'aimerai tout connaître de toi et de ce qui te plaît quand tu retrouves parmi la foule ; on aura bien le temps de dormir plus tard. Un petit rire léger s'échappa de ma gorge. Pour l'heure, j'aimerais tellement que tu me fasses découvrir les petites joies d'une vie ordinaire. Enfin, si tu le souhaites aussi et que tu as le temps, bien sûr !

Je finis par laisser ma curiosité exacerbée de côté pour me concentrer sur le regard de ma nouvelle guide. Je ne la connaissais pas encore et pourtant son regard me rassurait tellement... Toujours à l'aise dans mes baskets et bien accompagnée, j'imaginais ma première journée comme lancée dans l’arène, peut être trop gourmande, pour l'heure, je ne me posais pas la question, trop excitée par la découverte de ce nouvel univers qui allait être le mien très bientôt...

Elle restait silencieuse, un sourire en coin. L'observatrice était joueuse et charmante. Je décelai en elle une femme séductrice et enjôleuse. Elle se voulait rassurante, aimante avec cette part de mystère, d'intentions dragueuses distillées avec soin pour me réserver la surprise d'un endroit magnifique. Je la suivais donc, très intriguée par la surprise, encouragée par son attitude désinvolte vers un lieu inconnu, mais qui avait déjà l'air de la ravir. Elle marchait d'un pas décidé et je me rendis vite compte qu'elle ralentissait la cadence lorsqu'elle s’aperçut que je ne tenais pas le rythme. Effectivement, j'avais beau me montrer enthousiaste, il n'en restait pas moins que la fatigue de mon voyage se faisait un tant soit peu ressentir. D'un seul regard, accompagné de mes joues qui rosissaient, je lui fis comprendre ma reconnaissance. C'est donc tranquillement, au bout de longues minutes de marche à pied où le soleil caressait ma peau, que nous nous sommes retrouvées devant une grille aux dorures majestueuses qui scintillaient sous les rayons de lumière intense perçant l'atmosphère. Une mise en bouche savoureuse avant la découverte d'un parc riche d'une nature sculptée avec grâce, nous offrant par la même occasion un spectacle de fleurs comparable à un arc-en-ciel savoureux de mille parfums tous aussi différents que puissants. L'offrande de mère nature ravissait déjà mes sens et Savannah se dirigea droit devant une esplanade de gourmandises.

Tout était nouveau pour ma petite personne. Moi qui avais l'habitude de me nourrir exclusivement de ce que la terre nous offrait, j'avais l'impression d'être dans un rêve. Un rêve éveillé qui bouleversait tant mes habitudes. Rien à voir avec mes bouillies du soir ou mes potages du matin... L'inconnu était plus déroutant que je ne l'aurais cru et soudain je me mis à douter profondément.
Partagée entre la joie de découvrir les richesses enivrantes qui se tenaient devant la brunette et qui ne demandaient qu'à charmer le désir primale d'un appétit éphémère et une morale ancrée qui me dictait sa loi et me criait plus fort qu'il n'y avait absolument rien de naturel à désirer ces choses-là. En effet, je souhaitais tant me laisser bercer par ces nouveautés enchanteresses, mais je pense que trop d'information d'un coup ne m'avait pas laissé indemne. J'aurais peut-être dû écouter d'avantage mon corps et rentrer directement dormir... Un sentiment soudain qui se logeait là en mon sein. Évidemment, je ne voulus rien montrer à ma compagne de voyage, de peur de l'inquiéter inutilement, mais les questions commencèrent à m'assaillir de toute part. Avais-je bien fait de changer de vie ? Étais-je réellement heureuse d'être ici, en ces lieux, ou n'était ce là qu'une réponse à mes caprices égoïstes ? Je ne savais plus, j'avais l'impression que mon cerveau pesait une tonne. Puis je me suis sentis coupable aussi, coupable de ne pas m'être mieux préparée. En lui demandant de me surprendre, je n'avais pas pensé le moins du monde au fonctionnement de « la vie humaine ». Apparemment, l'argent tenait une place importante et on m'avait dit que je n'aurais pas de soucis financiers particulier, mais je ne savais pas encore comment me servir de ce qu'on appelait la monnaie ni de l'importance réelle de ces petits morceaux de papier dans la vie quotidienne... Encore une information supplémentaire...

Merci Savannah, prends moi la même chose que toi, ce sera un plaisir de découvrir n'importe lequel de ces goûts!

Je m'assis sur un des bancs voisins, caressant mes mains moites sur ma robe et en attendant la commande, je décidais de me recentrer, de canaliser toutes mes petites faiblesses. Ainsi, je fermais les yeux, inspirant, expirant au rythme du vent, savourant les parfums toujours aussi présents qui venaient chatouiller mes narines à chaque rafale... Malheureusement, je ne parvins pas à me recharger énergiquement, la journée avait déjà été bien remplie, entre mon départ qui s'accompagna de longues accolades ainsi que des quelques larmes de mes sœurs sorcières, le trajet en train où mon empathie avait tant travaillé, la rencontre avec l'observatrice qui fût une agréable surprise, sans compter toutes les découvertes, même les plus minimes dans le centre de cette ville qui regorgeait littéralement d'endroits tous différents, aux ambiances étranges et si intrigantes à la fois... Bref, je n'eus pas le temps de me poser d'autres interrogations sur ma petite peur passagère que mon corps répondit à ma place. J'eus à peine le temps de comprendre ce qui m'arrivais que le beau paysage et les silhouettes baladeuses devinrent flous, les couleurs se mélangèrent elles aussi lorsqu'elles commencèrent à tourner de plus en plus vite, puis vinrent le noir total et enfin le néant. A présent, j'étais allongée là, tombant de mon assise, de tout mon poids, les bras ballants, les yeux fermés, la bave au bout des lèvres... Une charmante image n'est ce pas, mais le surplus d'émotion avait eu raison de ma carcasse et il m'était forcée de reconnaître que j'avais eu les yeux plus gros que le ventre pour cette première journée dans ma nouvelle vie.

Les murmures troublaient le silence. Le souffle de l'observatrice sur ma peau glissait sans le moindre mal et me rappelait par la même occasion que je devais me sortir de cette prison. Mon corps m'avait fait faux bon et c'est comme nichée au creux d'un puits sans fond que j'essayais de hurler ma soudaine détresse inopinée. Évidemment, la sensation de me trouver captive de mes émois n'était pas si puissante que le néant qui se jouait de mon esprit. Ainsi le grand noir m'entourait de ses bras, ce n'était pas désagréable, une mise sur pause de mon cerveau qui bouillonnait tant depuis que j'étais parti de mon chez-moi. Je l'avais bien cherché après tout, trop curieuse, je n'avais pas su dompter mes envies, mes désirs compréhensibles, mais hélas trop immatures ; et en souhaitant tout absorber en même temps, j'avais fait déborder la cruche que j'étais devenue à ce moment-là...
Ma pauvre guide avait dû s'inquiéter, j'avais sûrement ruiné un petit moment de bonheur simple que chérissaient tant mes semblables... Fragile et ridicule, il fallait bien l'avouer. À mon réveil, je me sentis terriblement honteuse et la culpabilité s'insinua elle aussi quand je croisai le regard inquiet de l'observatrice. Je découvris un endroit d'une simplicité charmante, un appartement décoré avec goût, féminin et soft à la fois. Malgré mon passage à vide, l’environnement représentait bien l'idée que je me faisais de Savannah, en accord avec ce que j'avais pu déceler chez elle durant ces dernières heures. C'est alors que ses pupilles incroyablement ouvertes me dictaient qu'une réponse s'imposait face à ma détresse surprise.

Oh Savannah ! Je suis terriblement confuse... Vraiment confuse, vraiment...

Mon regard de chien battu se posa quelques secondes sur son visage et je souhaitais plus que tout me justifier afin de la rassurer et qu'on puisse enfin passer à autre chose plutôt que de s'étendre sur mes faiblesses quelque peu gênantes pour ma première rencontre. Bref, je me hâtai, me redressai avec grâce, examinai ma tenue de plus près, réajustai ma robe et je finis par poser mes mains contre mes joues les laissant ainsi glisser jusque dans mes cheveux pour enfin m'étirer la nuque. Je repris la parole légèrement plus confiante...

Je crois que cela mérite quelques explications ! Sourire en coin. Déjà, je tiens à m'excuser pour la petite frayeur que tu as dû ressentir. Je ne sais pas si tu es au courant, mais c'est la première fois pour moi que je parcours le monde en me sentant libre. Libre de tout découvrir par moi-même, de me forger mon caractère seule, et cela, dans un monde qui est encore inconnu pour moi.
Tu sais, je n'ai jamais connu tout ce qui fait ta vie. J'ai l'impression d’atterrir sur une autre planète, littéralement. Je te demande de m'excuser Savannah, en fait, je n'ai pas réussi à maîtriser mes émotions et elles ont prit le contrôle. Il ne s'agit que d'un petit malaise comme n'importe qui peut en avoir, certes, mais cela n'empêche pas que je me sente terriblement, mal à l'aise vis-à-vis de toi... Tu as été tellement généreuse jusqu'à présent et ma seule façon de te montrer ma reconnaissance est de te faire peur, enfin, j'imagine... J'en suis navrée.

La tête baissée, coupable, j'expirai fortement tout en jouant avec mes doigts. Je me levais, fis quelques pas avant de ma rasseoir doucement. Je n'avais pas envie de m'éterniser avec cette sensation désagréable, et bien que toujours en proie à la fatigue, je ne voulais pas mettre un terme à notre échange sur cette mauvaise note qui avait le goût de l'amertume.

Bon, maintenant qu'on a bien rigolé toutes les deux... Le rouge-humiliation sur mes pommettes s'installa lorsqu'avec maladresse, j'osai lancer cette boutade !
Et au risque d'abuser, tu n'aurais pas quelque chose d'un peu corsé à me proposer avant que j'aille me reposer ? Je crois que j'ai besoin de passer à autre chose, quelque chose de plus tranquille, mais toujours en ta compagnie, j'aimerai tout connaitre de toi, de ton parcours, de ta vie...

L'apaisement tarda à venir en mon sein, mais je le retrouvai finalement accompagné de cette sensation intense qui me ravissait tant ; savourer l'instant présent et profiter simplement de ma première interlocutrice qui je le sentais pouvais devenir l'un de mes futurs piliers en ce nouveau monde.

Malgré mes faiblesses passagères, l'observatrice resta fidèle à ma première impression. Elle se montrait compréhensive, tolérante et toujours aussi chaleureuse. Les traits de son visage traduisaient le plaisir de se retrouver là en ma compagnie et c'était, bien évidemment, réciproque. Une aura de bien-être comblait l'espace et je me sentais comme à la maison. L'attitude de la brunette me communiquait la bienvenue, de plus, elle affichait un intérêt sincère, sans une once de jugement sur ce qui venait de se produire. Elle me mettait si à l'aise, que ça en devenait presque naturel de se retrouver ici, dans un cocon nouveau, chaleureux, stable et honnête. Semblable à une évidence, son comportement m'aida à effacer toutes traces de culpabilité pour ainsi mieux me laisser porter par l'instant présent. C'est alors qu'elle changea de ton. Le mystère troubla mes explications maladroites lorsqu'elle m'invita à la suivre sans rien me révéler ne serait ce qu'un clin d’œil enjôleur.
En confiance presque absolue, elle avait su capter ma curiosité maladive et je me surpris déjà debout, prête à découvrir les plaisirs simples d'une soirée emplie d'ondes positives.

Je me retrouvais devant une salle plus majestueuse et plus froide à la fois. Savannah nous servit deux verres accompagnés d'un liquide aux saveurs exquises. Je me délectais déjà des odeurs de ce nectar, vivement éveillée par son parfum enivrant et plus corsé comme je le souhaitais justement. Un amour de femme mon hôte, non ? J'étais aux anges rien que de m'imaginer la rencontre entre la tentatrice Pina Colada et mes lèvres désireuses d'y plonger à corps perdu. Mes émotions s'en virent décuplées de plaisir et mes yeux scintillaient comme les étoiles. Alors captive de mon attention particulière, elle déposa d'autres surprises, des petites choses à manger.
Des petits rouleaux aux couleurs ludiques et intrigantes de gourmandise. Le frais se dégageait de ces mets que je ne connaissais pas encore. Je n'avais jamais eu l'opportunité de manger telle création. Je regardais ma complice avec étonnement, ne pouvant m'empêcher d'en saisir un au creux des mains afin de l’examiner sous tous les angles. Les va-et-vient entre mes yeux et mon nez me mettaient l'eau à la bouche, je crois bien que j'avais envie de me lécher les babines semblables à une bête à poil. Je découvris un plat travaillé, organisé avec minutie, et là encore, mon imaginaire se laissa bercer par tant de douceurs.

Elle avait réussi à éveiller tous mes sens en l'espace de quelques minutes et je me réjouissais de me retrouver là dans un endroit plus intime et pourtant tout autant passionnant. Puis elle me tendit deux fines baguettes. Je laissai s’échapper un rire assumé. Je souhaitais la remercier, mais elle tenue à mettre les choses à plat avant, elle s'assura ainsi de mon bien-être sous le poids de ses sages paroles. Comprenant ses intentions, j'aurais dû me les appliquer aussi, pourtant je ne me posais pas autant de questions d'ordinaire ! Au moins, je compris qu'en éclaircissant ainsi la situation, j'avais à faire à une personne faite pour que je partage un bout de chemin en sa compagnie. La réflexion de mon acolyte me remit les idées en place. Nous étions deux femmes conscientes des règles de la Vie, certaines de l'évolution de chacun, esclave du temps et de son apprentissage.

Bien sûr, Rose ! Savannah n'avait pas été choisie pour ses beaux yeux, mais bien pour sa personne, ses intentions et ses valeurs, si semblable aux tiennes !

Déjà merci pour tout ça Savannah ! C'est incroyable ! Je sirotais mon cocktail avec délicatesse.
Ah, euh... non, je n'ai pas réfléchi à une question précise, mais maintenant que tu en parles il y a bien une ou deux choses qui me viennent à l'esprit.
Déjà, j'aimerais bien savoir si toi aussi, tu as toujours su qu'il existait un monde surnaturel ? Je t'avoue que la plupart des gens autour de moi et dans la vie ne se doutaient de rien avant un événement précis et je me demandais ce qu'on pouvait bien ressentir lorsqu'on découvre la vérité soudainement un beau matin ?

Avant même de balancer ma deuxième question, qui pour le coup se voulait plus être une demande de conseil plutôt qu'une réelle interrogation, je commençais à me débattre avec mes baguettes s'emmêlant entre mes doigts, je gloussai joyeusement en observant mes gestes désynchronisés.


Et sinon, je pense que j'ai déjà repéré une de mes difficultés à venir. Alors voilà, je n'ai jamais été entouré d'homme dans ma vie, je n'en connais qu'un seul et encore, c'est un peu mon ange gardien ; un ange gardien qui n'était jamais là et quand j'ai pris le train ce matin, j'ai été entouré par beaucoup de ces messieurs et... Comment dire... Comment te traduire ce que j'ai ressenti... Euh... Une, deux, trois puis quatre secondes passèrent.
Comment tu fais pour ne pas les regarder en permanence ? Je n'avais qu'une seule envie, c'était de les toucher, de sentir leur peau, c'était comme une attraction sulfureuse... C'est bizarre non ? Tu ressens ça toi aussi ? Et tu arrives à te contrôler en toutes circonstances ?

Ayant laissé de côté l'idée de me servir de baguettes, mes doigts salis par la sauce soja que je mettais sur le maki brillait tellement que je ne pouvais m'empêcher de les délecter aussi. Mine de rien, je passais ma première soirée en compagnie de ma première amie, hors confrérie,  et mon regard intéressé s'installa dans le sien, impatiente d'en découvrir toujours un peu plus...

La belle brune était donc destinée à devenir observatrice et sûrement aussi pré-destinée à se rendre sur la bouche de l'enfer. Nous avions donc deux parcours pratiquement similaires excepté que nous avions deux étiquettes différentes. Une sorcière, une observatrice avec pour but d'apporter un peu de paix en ce monde. Je n'aurais donc pas la réponse, ni ne pourrais ressentir les sensations d'une âme qui se serait découverte soudainement, consciente des réalités de la vie. Je n'étais ni déçu, ni satisfaite, je prenais simplement les choses comme elle venaient, j'attendrais donc de combler ma curiosité au fur et à mesure des nouvelles rencontres.
Puis tout à coup, Savannah manqua de s'étouffer lorsque je lui demandai des conseils en ce qui concernait les hommes. Je m'étais sûrement montrée très maladroite ou bien trop franche, mais au sein de la confrérie, aucune question n'était interdite. Ma philosophie de vie était simple. Rayonner, ressentir l'amour universel en mon sein afin de l'offrir à mon environnement, laissant émaner cette force invisible, ce flux d'amour et de lumière telle une aura chaleureuse et bienveillante. Laisser ces ondes trop rares encore chez les humains s'expatrier partout tout autour de nos carcasses matérielles et mortelles. Depuis l'enfance, je le savais, j'en étais persuadée, nous n'étions que vibrations incarnées sur cette terre, toutes les dimensions étaient liées les unes aux autres et nous faisions parti d'un tout. Il ne restait plus qu'à trouver le bon équilibre afin d'enfuir le Mal un peu plus profondément dans le bas astral... Expliqué de cette manière, cela semble très facile, mais le chemin de vie de tout à chacun est tellement différent, tellement pollué par les restrictions que nous avons nous-même créées qu'il fallait, pour ceux n'ayant pas eu la chance d'y réfléchir un tant soit peu, intégrer...
Bref, la surprise de mon amie du soir ne pouvait être contenue et c'est sans jugement qu'elle me répondit, me rabattant les oreilles de ses intentions nobles et éducatives. Elle me faisait rire intérieurement, elle dégageait une certaine sagesse due certainement à son côté observatrice, mais dans le même temps, je sentais la chaleur, le feu qui la caractérisait tant et c'est sans perdre de temps qu'elle m'apporta une solution originale mais tellement pragmatique. Il fallait bien reconnaître qu'elle était imprévisible. Elle déposa un tas d'objets de plusieurs couleurs, aux formes différentes. Étranges objets que je ne connaissais pas encore, elle me présenta ces choses ludiques. Sourire en coin, j'essayai de comprendre comment utiliser ce genre de chose pour combler mes besoins. Je ne comprenais pas bien quel était le rapport entre ma question du désir masculin et l'arrivé soudaine de cet amas de formes étranges. Je la regardais avec un air interrogatif tout en tripotant ces petites choses aux tailles différentes. Ainsi, le silence se fit, j'examinais sous tous les angles ces trucs comme je l'avais fait auparavant avec les makis.

Euh... Je cherche Savannah, mais là, je ne vois pas du tout le rapport entre mes instincts incontrôlables et ces concombres difformes !

Maladroite, je laissais échapper de mes mains le violet et celui-ci rebondit légèrement sur le sol. Je m’empressai de la ramasser, regardai mon acolyte d'un air complice et commençais à tester l'objet. Je le lançais plus fortement sur le sol et celui-ci recommença à rebondir dans tous les sens.

En fait, c'est vrai que c'est amusant et ça occupe l'esprit en plus ! Merci ma belle.

Franchement, j'étais comme une gamine à qui on avait offert un cadeau. Une petite fille qui jouait à la balle rebondissante et qui rigolait naïvement. Peut-être était ce là le moyen de m'amuser autrement. Avait-elle répondu à mes interrogations ? Pas vraiment, enfin, je ne le comprenais pas bien en tout cas. Mais ce jeu avait peut-être pour but de m’occuper l'esprit et ainsi remplacer mon instinct animal et sexuel. Contente de cette trouvaille, je me rassis, observant mon amie faire une drôle de tête ; j'engloutis mon dernier met, baillais discrètement et me resservis de ce nectar alcoolisé une dernière fois...

Allez, un dernier verre puis je vais aller me reposer si tu le veux bien. En tout cas, je te remercie tellement pour tout ! Mes paroles résonnèrent pendant que mes mains présentaient en l'air mes nouveaux jouets. Je suis très heureuse de t'avoir rencontrée et malgré mon adaptation délicate, je suis absolument ravie d'être ici, en ta compagnie.