What could go wrong? (ft. Jude)

Je m’ennuie. C’est un fait, je m’ennuie. En plus on dirait que tout le monde me regarde d’un air suspicieux, comme si j’allais exploser d’un moment à l’autre. Bon, d’accord, j’ai déjà failli les manger plus d’une fois, mais ce n’est absolument pas ma faute si j’ai faim souvent et si on s’amuse à jouer avec mes nerfs ! Et je n’ai tué personne, c’est franchement injuste !

Le plus gros problème est la gestion de mon entreprise, personne ne semble comprendre que je ne revienne pas sur Paris, et moi non plus d’ailleurs. J’avais inventé une histoire de maladie extrêmement contagieuse, mais ça commence à avoir du mal à tenir. J’ai beau être une bonne menteuse, il y a un moment où l’impatience commence à se faire sentir et moi-même j’en ai marre. Avec un peu de maquillage, je passe pour normale, alors pourquoi je ne pourrais pas y aller un peu? Mais non, apparemment je n’ai pas le droit, et aucun de mes arguments, pourtant très pertinents, semble ne les faire changer d’avis? Et puis ils oublient que j’ai un fiancé (bon presque fiancé, je suis sûre qu’il fera bientôt sa demande!), qui commence également à s’impatienter. Comment je fais moi si jamais une autre me le pique ? Et puis… j’avoue la présence d’un homme me manque. Genre, n’importe quel homme. A certains moments, je pourrais sauter même sur le facteur. Je n’aurais jamais pensé que dans la mort mes hormones pourraient se réveiller à ce point, j’aurais plutôt cru le contraire.

Et donc la seule chose qui réveille un peu mon ennui mortel est une bonne séance de shopping. En plus ça me calme les nerfs, surtout quand je vois cette fabuleuse paire d’escarpins qui semble tout droit sortie d’un rêve. Je les achète sans l’ombre d’une hésitation et d’ailleurs je décide de les porter immédiatement. L’un des vendeurs me fait alors signe qu’ils vont fermer boutique. Comme à mon habitude, je paie un supplément pour que tout soit livré directement à l’agence. Je n’ai aucune envie de me trimballer mes sacs dans tout Lyon.

Je sors de là avec regret et je décide de marcher pour exhiber un peu mes merveilles. Ce n’est pas parce que je m’ennuie que mes nouvelles chaussures n’ont pas le droit de se montrer un peu tout de même.

Mais alors que j’ai à peine fait quelques mètres, j’aperçois la silhouette de Jude. Bon clairement ce n’est pas ma personne préférée ici, mais je me doute que vu l’heure, il doit partir pour une mission particulière. Et il se trouve que ça m’intéresse. Jusqu’à présent, je n’ai jamais eu le droit de participer. Avant j’aurais été plutôt contente, mais je m’ennuie tellement que j’ai besoin d’adrénaline.

« Juuuuuuuuuuude!! » 

Je lui fait de grands signes de la main avant de courir de l’autre côté de la rue pour le rejoindre, et je me plante devant lui avec mon sourire le plus charmeur.

« Tu fais quoi? Tu vas où? Je peux venir? »

 

Une mission de reconnaissance, vraiment ? Y a pas mieux ? Plus … stimulant ? Tu râles énergiquement en rangeant la paperasse. Pour une fois que tu comptes laisser Basile tranquille. Tu renifles, soupire et cherche tes clefs de moto partout avant de les dégoter … Dans le frigo ?!

« - ROXANE ! T'hurles en soupirant avant de claquer la porte avec virulence. Saloperie.

Tu files rapidement en laissant un mot à Basile pour lui laisser des instructions, avant de foncer au quatrième arrondissement. L'avantage de la bécane, c'est que tu peux slalomer tranquillement entre les voitures sans souffrir de la circulation. Une fois sur place, tu gares la bécane et l'attache. Puis, c'est comme dans les dents de la mer. Tu sens ta nuque qui pique et la menace qui approche dangereusement.

Pire, elle hurle ton nom telle la mort prête à te faucher.
Anya.

- Merde ! Tu râles entre tes dents à voix basse, changeant ton masque déformé par un autre, vachement plus hypocrite.

Qu'est-ce qu'elle fout là ? En pleine ville, pile là où toi t'es ? Elle t'a suivit à la trace ou quoi ? Non mais pourquoi, vous pouvez pas vous blairer ! Tu te retournes brutalement en lui lançant un regard neutre. T'évites de la fusiller du regard et hausse les épaule.

- Oh Anya ... C'est toi. Hm, moi ? Of, rien d'intéressant !

T'as répondu trop vite. Merde.

- Bon bah

Silence. Ange qui passe. Zozios qui gazouilles et autres joyeusetés auditives.

- … Salut !

Tu tournes les talons rapidement, prêts à te carapater. Attends. Y a un problème là, non ? T'entends des bruits de talons. Tu te figes, fronce le sourcils, reprend la marche et te tourne brutalement pour faire face à une Anya vachement proche.

- Costello ?

Tu fronces les sourcils, le soleil dans la gueule et tes prunelles polaires qui l'observent.

- Tu fais quoi, là ? »

 

Pour une fois, je suis plutôt contente de croiser Jude. D’accord, il est insupportable, mais au moins il fait des choses intéressantes et je m’ennuie en ce moment. J’ai bien besoin de me défouler, d’une petite distraction. Paradoxalement, être un zombie me donne une énergie folle et le shopping ne suffit pas forcément à la canaliser. Je me précipite vers lui. Il a beau ne pas en avoir l’air, je devine qu’il n’est pas très content, mais je m’en fiche complètement. Quand il me dit qu’il ne fait rien d’intéressant, j’esquisse un sourire narquois.

« Rien d’intéressant ? Oh quelle dommage. »

Et voilà qu’il me salue et s’en va. Ben voyons, comme si j’allais le laisser partir comme ça ! Je me lance à sa poursuite, aussi rapidement que me le permettent mes chaussures à talons. Et j’ai de la pratique avec ces machins aux pieds. Bien sûr, il s’en aperçoit et fait volte-face vers moi.

« Costello-Goldstein, s’il te plait. »

Je fais quelques pas pour me replacer juste devant lui.

« Ne me prends pas pour une imbécile, je sais que tu vas quelque part pour le travail. Qu’est-ce que c’est ? Des démons à envoyer en enfer ? Des vampires à traquer ? Un mystère à résoudre ? »

Sous le coup de l’enthousiasme, je parle sans doute un peu plus fort que je ne l’aurais dû, mais je ne m’en soucie pas vraiment.

« Tu pourrais avoir besoin de moi, on ne sait jamais. Je n’ai rien à faire ce soir en plus. »

Puis, sentant qu’il n’est pas vraiment convaincu, j’arbore une moue de petite fille.

« Alléééééééé s’il te plait !! Promis, je resterai super discrète, tu ne t’apercevras même pas que je suis là !! »

Pas sûre que j’arrive à tenir cette promesse, mais sur le coup je suis pleine de la meilleure des volontés !

 

T'as bien envie de lui dire que c'est déjà fait. Mais si tu l'énerves, qui sait ce qu'elle pourrait encore faire ? Une bonne crise zombiesque, sûrement. Et dans la rue, avec des gens, ce serait malvenu. Vraiment. T'inspire et expire l'air doucement et silencieusement en la jaugeant à travers tes lunettes. Ton petit doigt te dit qu'elle te lâchera jamais la grappe. Si elle pouvait, elle changerait probablement de couleur et arrêterait de respirer jusqu'à ce que tu cèdes. Alors tu cogites déjà à un coup foireux. Enfin, en fond de trame. Parce qu'en attendant, t'as toujours du repérage à faire. Tu pourrais peut-être la laisser faire à ta place? Juste le temps de glaner des informations ici et là …

« - Ok, Goldstein.

Tu l'as fait exprès.

- Je doute que tu puisses être discrète, mais on va faire un essai.

Va bien falloir lui trouver un truc à faire. Si ce n'est squatter désespérément en attendant qu'on daigne lui donner de bons résultats. Et dire qu'elle était censée être simplement une cliente. Cette agence va vraiment de travers.

- Mais pas un mot, je fais que du repérage. Donc discrétion assurée. Évite de te transformer pour bouffer le premier cerveau qui passe.

Est-ce t'as la rancune facile ? Juste un peu ! Pourtant, tu lui lâches ton plus beau sourire colgate avant de reprendre le chemin qui mène jusqu'au coin du quartier qui t'intéresse. Tu fais signe à la rousse de te suivre. L'appel était carrément flou et pas franchement super clair. Une attaque louche qui, à force d'indices glanés, pourrait bien être démoniaque. Pourrait bien.

- On peut tout autant rentrer bredouille. Avec le paquet de fausses alertes qu'on se coltine en permanence. Les gens sont carrément parano, t'explique tout de même à zombie-girl.

Comme toujours, c'est le genre de ruelle qui pue la gnôle et la pisse. Dos tourné à Anya, tu peux pas t'empêcher de sourire en coin. Elle va détester ça. Eh, c'est elle qui voulait venir.

- Si t'as des questions, des regrets, c'est le moment. » tu chantonnes presque en avançant prudemment.

Ruelle vide, mais entrée louche. Tu soupires en sortant ton canif. C'est bien là qu'on t'a demandé d'aller, mais tu détestes les entrées barricadées. L'expérience te le dira jamais assez. Elles cachent TOUJOURS des trucs louches.

 

Jude est vraiment un rustre provincial, mais bien évidemment pas question de le lui dire maintenant, je sais quand même faire preuve d’un minimum de diplomatie, surtout quand je veux quelque chose. Et là je veux vraiment vraiment qu’il m’emmène avec lui. Je suis presque surprise quand il accepte, je m’attendais à devoir batailler un peu plus. Je me mets à sautiller du haut de mes talons vertigineux.

« Ouiiii tu ne le regretteras pas. »

Je ne relève même pas la manière dont il m’appelle. De toute façon il n’a aucun savoir-vivre, il me faudrait sans doute des siècles pour le rendre à peu près présentable en société et je n’ai pas autant de temps à perdre. Comme il m’emmène en mission en plus je vais le laisser être un peu grossier, ça a l’air de lui faire plaisir. C’est une chance que j’ai pensé à faire livrer mes paquets directement à l’agence ! Vous imaginez combattre le mal avec mes sacs de shopping ? Mes nouvelles robes auraient été fichues avant même que je puisse les mettre.

J’arrête de gesticuler et prend une apparence beaucoup plus calme pour suivre ses instructions. Je n’ai pas envie qu’il change d’avis avant même qu’on soit arrivés, même si je trouve qu’il exagère. Comme si j’étais capable de me transformer pour un oui ou pour un non ! Je suis capable de me contenir enfin.

« Oui oui ne t’inquiète pas je serai la discrétion même. »

Bon en vrai j’ai BEAUCOUP de mal à contenir mon excitation, mais il va falloir faire avec. Je le suis donc, écoutant de moins en moins son bla-bla pour regarder autour de moi. Bon, je dois bien avouer que je m’attendais à quelque chose d’un peu plus… un peu moins… Enfin pas un endroit qui sente aussi mauvais en tout cas. J’avais espéré une allée sombre oui, mais avec un peu de charme, pittoresque, style la famille Addams. Là c’est carrément glauque de chez glauque. Mais bien évidemment, hors de question de le lui dire, ça lui ferait beaucoup trop plaisir ! Alors je lui adresse mon air le plus confiant.

« Mais tout va très bien, je ne vois pas pourquoi tu dis ça. »

J’ose à peine regarder par terre pour ne pas voir le sol où se posent mes magnifiques chaussures. A tous les coups je vais devoir leur dire adieu, quelle tristesse. Il faut vraiment que je me concocte une tenue pour ce type d’occasion. Je veux bien pourchasser les démons, mais autant le faire avec style, sinon quel est l’intérêt.

Toute à mes profondes pensées, je ne m’aperçois que tardivement que Jude s’est arrêté et je m’immobilise juste à temps pour ne pas lui foncer dedans. Je me place à ses côtés et regarde la porte.

« Il y a quoi derrière ? On entre ou on attend quelque chose ? »