Bad day, bad hair - Dora

J’adore ces moments où je suis toute seule à l’agence ! Ce sont vraiment mes préférés, ceux où j’ai l’impression d’être un peu la boss des lieux, surtout que ça n’arrive pas souvent. Au moins personne pour me houspiller, me dire que je devrais être à la fac, ce genre de truc. Je devrais sans doute y être à la fac. Enfin je sais pas en fait, j’ai un peu perdu la notion des jours, et de mon emploi du temps. De toute façon les études c’est pas fait pour moi, alors pourquoi insister ? Je sais que maman sera furieuse lorsqu’elle saura que je vais devoir aller aux rattrapages pour le premier semestre, mais bon, pour le moment elle n’en sait rien et c’est le principal.

Je squatte la cuisine, un de mes endroits préférés dans la maison. Forcément, c’est là où il y a tout le ravitaillement. Manque de bol, j’ai complètement oublié de racheter des chips, mais je sais aussi où se trouve la réserve de Roxane. J’attrape un paquet de Pringles et je commence à les dévorer en parcourant vaguement un magazine idiot qui traine là. Ca a l’air d’être un truc de mode, peut-être à Elkan ?

Heureusement que je n’ai pas allumé mon baladeur et mis mon casque sur les oreilles, parce que sinon je n’aurais jamais entendu la voix désespérée qui se profile jusqu’à moi. Je marche nonchalamment jusqu’à l’accueil, tout en continuant d’engloutir mes chips. On m’a déjà dit que manger devant les clients ce n’était pas très poli, mais je ne vais quand même pas laissé quelque chose d’aussi délicieux derrière moi, si ? Ce serait plutôt ça le vrai crime. Je prends quand même le temps de la saluer, la preuve que je sais être polie.

« Bonjour, je peux vous aider ? » C’est alors que je remarque qu’elle a dû passer un sale quart d’heure. « Wahou, on dirait que vous êtes passée à la machine à laver. » Sans effet propreté, malheureusement. Mais soyons sérieux. Je prends mon ton le plus professionnel et posé pour m’adresser à elle. « En quoi puis-je vous aider madame… ? » J’avale une autre chips, curieuse de l’entendre raconter le récit de ses malheurs, Au moins je ne vais pas m’ennuyer.

Je me trouve face à elle, et franchement elle a pas l’air bien aimable. Je la vois rouler des yeux quand je lui demande son nom, je suis censée la connaitre ? Peut-être qu’on s’est déjà rencontrée, j’en sais rien moi, j’ai pas vraiment la mémoire des noms. Elle se comporte comme une princesse alors qu’elle a plutôt l’air d’être passée sous un rouleau compresseur, mais bon, comme je sais rester professionnelle, je ne dit rien, hein.

Elle m’explique son problème, apparemment elle serait poursuivie. Je me penche en avant et la regarde plus en détail. « Pourriez-vous être plus précise, Madame ? Par quelqu’un, par un monstre, par le fisc ? Je veux bien vous aider, mais il va falloir me donner un peu plus de détails. ». Franchement je suis sûre que Roxane et Elkan seraient E-PA-TÉS par mon professionnalisme. Je prends tous les renseignements indispensables afin de savoir si et comment je peux aider cette cliente. Même si elle a l’air de se prendre pour la Reine de Saba. D’ailleurs elle commence à légèrement m’agacer avec ses grands airs. Je le vois, son regard de dédain sur l’hôtel.

Et voilà qu’en plus elle se met à me parler comme si j’avais douze ans. Non mais dis donc, elle se prend pour qui celle-là ? Ca m’apprendra hein, à vouloir rendre service. Je m’étends de tout mon mètre quatre-vingt et je lui lance un regard narquois.

« Il se trouve que je suis en charge de l’agence aujourd’hui. Ne vous fiez pas à mon apparence, je suis bien plus vieilles que j’en ai l’air. » Bon ce sont de gros mensonges, mais elle n’est pas obligée de le savoir. Et puis en un sens je suis toute seule, donc c’est quand même un peu vrai. « Il n’y a personne d’autre. Après libre à vous de tenter votre chance ailleurs, je ne vous retiens pas. Bonne journée. »

Sur ce, j’avale une chips sous son nez, et je lui tourne le dos. J’attrape un papier qui traine là, probablement échappé d’un vieux dossier, et je fais mine de me passionner pour son contenu, comme si c’était un dossier important. En vrai j’espère qu’elle va changer d’avis et me supplier de l’aider, j’adorerais m’occuper d’un cas toute seule. Enfin à supposer qu’il s’agisse d’une vraie affaire, parce qu’à tous les coups elle veut poursuivre son coiffeur en justice. Bon ceci dit avec la tête qu’elle a, ce n’est pas moi qui lui donnerais tort…