Meet me on the Hellmouth | feat Augustine

Oh que c'est bon. Oh oui, c'est tellement bon, ça. Hein Roxane? Le sourire jusqu'aux oreilles, la chasseuse jubile et met le volume sonore à fond les ballons. Aussi heureuse qu'une gamine devant un sapin de noël après la visite du grand ventripotent, la franco-galloise laisse ses doigts pianoter sur le volant au rythme de la musique. Plus concentrée sur la chanson crachouillée par le lecteur cassette que sur sa conduite, elle manque de griller un feu rouge. Oups? Nullement contrariée, elle se sent trop aux anges au bord de cette luxueuse bagnole. Leonard n'a même pas bronché, ni même tiqué. En même temps il était bien trop préoccupé pour ça. Une première.

— Death comes sweeping through the hallway like a lady's dress.

Dans l'attente que le feu passe au vert, elle tambourine le volant et le tableau de bord pour accompagner les instruments de la chanson.

— Death comes driving down the highway in it's sunday best.

Toujours profondément ancrée dans son interprétation, Roxane tourne sa tête et remarque que le conducteur garé juste à côté d'elle la fixe. Incapable de savoir si il se moque silencieusement d'elle ou si il est simplement choqué, la blonde embrasse son majeur qu'elle lui tend "affectueusement". Apparemment il n'apprécie pas vraiment son geste mais peu importe, n'est-ce pas? Elle le gratifie d'un clin d’œil et démarre pile quand le feu passe au vert.

Son trajet jusqu'à la gare se passe ainsi. Musique à fond les oreilles, le pied un peu trop appuyé sur le champignon et sa carcasse qui s'agite sous les sonorités du groupe Blue Oyster Cult. Ce n'est qu'une fois garée au niveau de la gare qu'elle coupe le moteur. Les choses sérieuses ne vont pas tarder à commencer. Leonard lui a demandé un service des plus particuliers : récupérer une vampire à la gare. Une vampire qui n'est visiblement pas en mesure de se contrôler mais qui se serait convenablement nourrie avant de prendre le train. Mouais. Roxane le sent, il ne lui a pas tout dit. Il était nerveux et ça ne lui ressemble pas.

La chasseuse quitte le véhicule et récupère ses affaires dans le coffre. Par prudence, la chasseuse regarde autour d'elle. Bien que la nuit soit tombée, certains endroits comme les gares restent relativement peuplés et elle n'a pas très envie qu'un fou furieux la voit s'équiper d'une arme et appelle les flics. Visiblement la voie est libre alors elle récupère son taser qu'elle fourre dans la poche de sa veste en cuir. Les vampires et leurs envies de sang sont souvent incontrôlables alors Roxane préfère miser sur la sécurité... et plus particulièrement sur sa sécurité. Elle se trouve déjà bien gentille de n'opter que pour le taser en cas de dérapage quelconque. La chasseuse s'équipe également d'un thermos contenant un mélange de sang et de jus de fraise. Bah quoi? Elle s'est sentie d'une humeur créative.

Consciencieuse, elle vérifie de tout avoir sur elle. Sa dague est bien logée dans sa botte. Son bébé browning est toujours dans son holster d'épaule qui lui, est caché par la veste en cuir de Roxane. Quant à son pieu il est dans son autre botte. Rassurée sur son équipement, c'est d'une démarche nonchalante qu'elle se rend directement à la gare. Un simple coup d’œil sur le tableau des arrivés lui indique le quai où elle doit attendre Augustine, alors y va, tranquille car de toute façon elle est en avance et la SNCF, elle, est toujours en retard.

Une fois sur le quai, Roxane s'installe sur un banc et croise ses jambes moulées dans un pantalon en simili-cuir. Elle patiente. Certaines personnes attendent. A les observer, elle remarque que la plupart sont fébriles, impatient mais plein de cette euphorie. La joie de retrouver un être proche. Les hauts-parleurs crachouillent, intime aux usagers de s'éloigner de la bordure du quai et annonce l'arrivée du train. Enfin. Pour le moment, elle n'est pas encore décidée à quitter son banc, préférant attendre que les passagers descendent du train.

Impossible pour Roxane de se défaire de cette chanson. Fire of unknow origin tourne en boucle dans son esprit et bien que dans sa tête, elle chante les paroles, son faciès imprime un ennui profond. La chasseuse est une femme d'action, d'aventure. Elle aime sentir l'adrénaline parcourir ses veines... pas attendre le cul sur un banc pour jouer les nounous. D'ailleurs, les claires prunelles de Roxane se réceptionnent sur une blondinette qu'elle soupçonne être Augustine. Cette dernière approche et effectivement, c'est bien elle. Roxane ouvre alors la bouche pour répondre mais la courbette d'Augustine l'en dissuade. Surprise et perplexe à la fois, la chasseuse fronce les sourcils.

— Okaaaaaay... qu'elle murmure faiblement.

Décontenancée par tant de politesse, ses lèvres se mouvent pour formuler un "pourquoi" silencieux, adressé pour sa propre personne. De par sa nature de chasseuse, Roxane est souvent amenée à rencontrer des vampires et si certains se montrent pompeux, elle n'a encore jamais eu droit à une courbette. En même temps, la plupart des vampires qu'elle croise, c'est pour leur botter le cul. Il est donc logique qu'on ne lui déroule pas le tapis rouge. En tout cas, c'est flippant mais peut-être pas autant que d'entendre "papa" pour désigner Leonard.

Toutefois, et ça, elle ne l'admettra jamais, il y'a quelque chose de touchant dans l'impatience dissimulée d'Augustine. Cette joie sincère de retrouver un proche... Ouais. Roxane préfère encore avouer son amour pour Britney Spears. La chasseuse retient donc un sourire attendri susceptible de trahir le fond de sa pensée puis se redresse.

— On va aller le retrouver. Suis-moi.

La franco-galloise, machinalement, se poste au côté d'Augustine et dépose une main protectrice sur le bas de son dos. Ce contact ne dure néanmoins qu'un court instant. Un court instant où la chasseuse a balayé l'ensemble de leur environnement du regard. Si Leonard l'a envoyé ici, ce n'est pas pour du simple gardiennage. Un potentiel danger peu surgir à tout instant et en ayant conscience, Roxane se montre à l’affût.

— C'est pour toi.

Sans donner de détail sur le contenu du thermos, l'humaine le lui tend. Ce n'est d'ailleurs qu'en cet instant qu'elle réalise qu'Augustine est un peu chargée. En soit ce n'est pas un soucis mais c'est surtout encombrant. Se promener dans la gare, les mains dans les poches, pendant qu'une "gamine" se dépatouille avec son artillerie ce n'est pas non plus très discret alors se propose pour récupérer cet épaisse d'étui. La chasseuse est bien incapable de deviner quel instrument se trouve à l'intérieur.   

— Ton voyage s'est bien passé? Tu as eu l'occasion de bavarder avec des passagers pour occuper ton temps?  

Sous cette question innocente qu'elle pose à l'approche de la sortie, Roxane veut surtout savoir si elle a été en contact avec des personnes. Et le cas échéant, dans quel mesure? Pour les croquer? Les tuer? Et autre option envisageable, est-ce qu'un des passagers s'est montrés trop curieux à l'égard de la vampire? C'est frustrant car Leonard ne lui a pas dit grand chose... Pourquoi ne pas aller la chercher lui-même? Pourquoi se montrer si nerveux? Même si elle n'a rien dit à ce sujet, ni même posé de questions, elle n'est pas idiote. Y'a un truc qui cloche.

Elle semble si jeune et pourtant elle est immortelle. Éternelle et bien plus vieille que Roxane. Pourtant à la voir trépigner de la sorte, la chasseuse a l'impression de voir une adolescente comme tant d'autres, si innocente et pleine de vie. Deux choses qu'elle n'est plus depuis bien des années. Roxane est incapable de lui estimer un âge cependant, à la manière dont elle parle et se comporte, elle n'appartient  pas à ce siècle.

Méfiante et aux aguets, Roxane se charge de guider la vampire hors de la gare, non sans lui offrir une collation. L'appétit vorace des vampires, la blonde connait bien, alors elle préfère anticiper. Cette attention ravie Augustine mais elle n'ouvre pas le thermos pour autant ce qui inquiète un brin la franco-galloise. Si la soif ne la tenaille pas dans l'immédiat c'est peut-être pour une bonne raison. Se peut-il qu'Augustine se soit nourrie durant le trajet? Ancrée dans sa perpétuelle paranoïa, Roxane questionne la vampire de manière candide mais c'est avec une extrême attention qu'elle reçoit la réponse. Si le chauffeur d'Augustine est parti et qu'elle n'a adressé la parole à personne alors elle ne s'est pas nourrie et donc elle n'a laissé aucuns cadavres derrière elle. Tant mieux.

— Effectivement, c'est d'une grande impolitesse, concède la chasseuse.

Elle en profite pour jeter un coup d’œil à la vampire et constate sa mine boudeuse. La réalité? Roxane n'a pas vraiment d'avis à ce sujet. Contrairement à Augustine elle préfère les chauffeurs silencieux. Cela lui permet de réfléchir ou de dormir. La chasseuse fronce les sourcils un instant aux propos de la noctambule. De qui le joueur de trompette avait peur? D'Augustine? De Leonard? Ou d'une tiers personne? Roxane mémorise le nom De La Guardière, persuadée que cette information peut s'avérer utile.

Les deux femmes quittent la structure de la gare pour s'avancer dans le parking quand Augustine lui demande son identité. Pour le reste elle est partagée entre l'amusement et la consternation. Roxane réalise alors que non seulement Augustine est d'une autre époque mais qu'en plus, elle ne semble n'en être jamais vraiment sortie. Ah pour sûr, y'a toute une éducation à refaire! Que Leonard soit okay ou non, Roxane va s'évertuer à lui apprendre l'égalité des sexes.

— Je m'appelle Roxane, qu'elle répond avec un sourire. Et merci. Si tu veux je te prêterais un de mes pantalons. Ils sont très confortable.

La chasseuse lui adresse un clin d’œil complice alors qu'elles approchent de la voiture. Par réflexe, la blonde regarde un peu ce qui se trame dans les alentours. Il y'a les éternelles ivrognes aux abords de la gare, de rares personnes qui attendent et au loin elle peut voir des agents de l'ordre patrouiller. Rien d'inhabituel. Elle ouvre le coffre de l'automobile et y fourre l'étui à l'intérieur. Puis elle tend sa main pour qu'Augustine lui passe sa valise.  

— Au passage tu peux me tutoyer et m'appeler par mon prénom. Je préfère.

Les situations trop guindées ont tendance à étouffer la chasseuse. Roxane s'assure que toutes les affaires de la vampire sont dans le coffre elle contourne le véhicule pour prendre place côté conducteur. Elle démarre la voiture, jubile en entendant le ronron de la bécane et attend que la nouvelle recrue s'installe confortablement.

— Tu n'as rien contre un peu de musique, j'espère?

Sans attendre de réponse, la chasseuse allume l'autoradio CD et remet la chanson Fire of Unknow Origin à fond les ballons. Et c'est reparti pour son sketch... elle commence à conduire alors qu'elle est clairement plus concentrée sur la chanson que sur la route. Un miracle si elles arrivent jusqu'à Len sans accident. Une chance que ce soit la nuit et que la circulation s'annonce fluide.