Dance with the devil | feat libre

Des poches de sang ambulantes. Carcans de chair qui se mouvent au rythme d'une musique endiablée. Ils se trémoussent, insouciants, inconscients. Ils s'exposent et nous aguichent, nous, les prédateurs. La soif me brûle la gorge. L'envie, le besoin primitif d'enfoncer mes crocs ne me quitte pas depuis des jours. Trop longtemps. Je suis resté trop longtemps sans chasser. Je deviens le danger que je tente d'écarter du Seven Devils. Je me noie parmi la foule. Mes claires prunelles voguent d'une jugulaire à une autre. Les tambours se jouent à l'intérieur de leurs cages thoraciques. Par dessus la musique tonitruante crachouillée par les sonos se joue d'autres mélodies. Elles s'unissent et forment un brouhaha exaltant. Mon regard se verrouillent sur une femme des plus aguichantes. Ses courbes sont une incitation à la débauche. L'odeur de son sang est une invitation à la croquer. Je m'approche, désireux de goûter ses lèvres et bien plus encore mais une main massive se verrouille sur mon épaule. Aubrey. Je regarde avec reconnaissance ce géant roux de presque deux mètres. Malgré son sourire amical je décèle l'inquiétude dans le fond de ses prunelles vertes.

— C'est pour toi.

Le géant roux me tend un cocktail que j'affectionne tout particulièrement. Un mélange de sang et de rhum. D'ordinaire je répugne à me nourrir en plein service, car on ne sait jamais ce qui peut arriver. Je n'ai pas envie de me coller l'étiquette "vampire" sur le front, surtout avec toutes ces potentielles en ville. Je soupir faiblement en avisant le cocktail entre mes doigts, rien ne peut remplacer le plaisir de la chasse, la sensation enivrante d'une vie qui s'éteint sous une étreinte mortelle mais en attendant, ça fera l'affaire.

— Demain tu me remplacera, que j'informe au tas de muscles.

Nul besoin d'en dire d'avantage, Aubrey opine de la tête, accompagnant son geste d'une tape amicale dans le dos. Il n'est pas mon bras droit pour rien et comprend très bien que si demain je m'absente, c'est pour partir en chasse. En dehors de Lyon, de préférence.

— En attendant, tu devrais aller dans un endroit plus calme, loin de toute tentation.

Conseil des plus avisés mais j'aime avoir un œil sur ce qui se passe dans mon bar. Alors je déambule parmi la foule. Ils sont chauds, tellement vivants. Le sang qui coule à travers leurs veines est un délice dont je souhaite m'abreuver mais je calme ma soif en buvant quelques gorgées de mon cocktail.

Je m'étais pourtant juré d'y aller mollo. Mais le type que je viens d'envoyer valser l'a bien cherché. Connard. Il me jauge, vautré sur l'asphalte, la gueule en biais et l’œil flou. Ouais, il s'attendait pas vraiment à ce que «la petite nana» le plante là sur le tapis.

« - Si je te revois, tu pourras appeler un taxi pour l'hosto, je crache en lui jetant sa veste à la gueule.

Son crime ? J'aimerai dire que c'était juste parce que sa gueule me revient pas, mais ce serait utopiste. Non, j'ai vu ce trou de cul s'en prendre à cette pauvre nana dans un coin trop isolé. Je claque la porte derrière moi et retrouve le tintamarre du Seven Devils. J'ai l'impression de passer ma vie ici depuis que j'ai accepté d'y jouer les gros bras. J'avise cette grande girouette d'Aubrey sans voir à qui il parle et je soupire en faisant éclater ma gum. La bulle s’éparpille entre mes lippes. La montagne rousse s'écarte pour laisser entrevoir un Nathaniel avec une mine des plus merdiques. J'hausse un sourcil. Je lui ai rarement l'allure aussi sinistre. Il a pas l'air en forme du tout.

Je dois m'inquiéter ?
Boh, c'est Nathaniel.

Je m'apprête à faire demi-tour, mais un truc dans le comportement du brun me fait tiquer. J'observe ses azures troubles. Le bleu sous ses longs cils. Et la boisson qu'il tient dans la main. Je connais pas les cocktails par cœur, mais ma mémoire doit carrément me jouer des tours. C'est définitivement pas normal. Je me faufile souplement entre les corps entrelacés et me plante devant mon boss. Il a les yeux éclatés.

- Nath ? Je demande d'une voix prudente en cherchant à capter son regard. Eh, vieux, t'as fumé quoi ? Si c'est de la bonne, va falloir partager, je plaisante à moitié.

Seulement de moitié, parce que son état me rappel un truc et que mon subconscient tente désespérément de réanimer.

- Sérieusement, Nathaniel, t'es vraiment bizarre. Tu veux pas qu'on aille dans un coin plus calme ? », je répète d'une voix lointaine en l'observant.