Moonlight rendez-vous | feat Charlotte

Peut-on réellement définir la folie? Pour définir la folie il faut être en capacité de définir la normalité. Le truc c'est que ces choses-là sont subjectives, changeantes. La normalité est définies par la majorité. Si les "fous" devenaient la majorité alors la normalité s'inverserait. Les "fous" deviendraient les sains d'esprit et ce renversement aliénerait les sains d'esprit. N'est-ce pas? De ce fait les bouleversés n'existent pas vraiment. Pas tout à fait. On ne peut donc pas me qualifier de folle en cette nuit. Non. J'agis de manière raisonnée, raisonnable... Rien à signaler. Tout va bien se passer. Menteuse. J'inspire. J'expire. J'avance.

La lune me nargue, si belle et si pleine. Elle rayonne de mille éclats, souveraine. Une beauté fatale et sous sa gloire se joue de bien sinistres scénarios. Pourquoi des Hommes se transforment en bête sous son commandement? Pourquoi seulement lorsqu'elle affiche sa superbe dans son entièreté? La lune nous charme, si sensationnelle et si cruelle. Sous sa supervision je déambule dans le Parc des Hauteurs. Lieu de verdure et d'évasion le jour mais d'aventure et de tension la nuit. La peur tambourine contre ma cage thoracique et agite mon palpitant, elle s'infiltre à l'intérieur de ma poitrine. Je peux sentir ses tentacules remonter jusqu'à ma gorge. Je ne suis pas une héroïne.

Je ne suis pas une rebelle. Je suis encore moins une potentielle. La vue du sang me répugne. La perspective de tuer m'effraie. Pourtant je me trouve ici en cette nuit de pleine lune. Volontairement, sans qu'on ne m'ai demandé quoi que ce soit. Le pire étant qu'on m'a expressément demandé de ne pas patrouiller en ces périodes lunaires. Et j'ai obéi. Les premiers mois. J'ai obéi, hier. Sauf que j'ai réfléchi. Ces loups-garous, si dangereux et redoutés ne sont en réalité que des humains le restant du mois. Ils sont innocents, ils n'ont pas choisi ce fardeau. Tout comme moi. Ils subissent. Certains n'ont même pas conscience de leur état. Certains n'ont tout simplement aucun contrôle là-dessus. Mais si on les aide, si on leur tend la main une fois redevenu humain, alors il y'a une chance de rédemption. J'ai donc décidé d'agir. Je n'ai pas trouvé de sédatif et encore moins de pistolet à sédatif, par contre j'ai réussi à me procurer un pistolet électrique. Je suppose qu'une bonne décharge peut assommer un loup-garou. Je l'espère en tout cas car je suis présentement en train de jouer ma vie.  

Pour me détendre, je fredonne dans ma tête une de mes chanson. Have you had a million reasons why you wish you'd never seen the truth? Have you looked into the mirror and the problem's staring back at you. I can't control myself, don't know who I've been and who is this monster wearing my skin? Elle n'est pas au point mais j'ai bon espoir de la chanter le mois prochain au Seven Devils. A movie in black and white. When will it end? 'Cause every time I scream no one... Un cri m'extirpe de mes pensées. Pas un cri humain, non. Celui d'un loup. Je me fige. Je déglutis. Je tremble. Bordel je veux rentrer chez moi. Je danse sur place, partagée entre mon envie de courir loin d'ici et celle de foncer tête baisée en direction du cri. J'hésite. J'en pleure. Je suis terrorisée. Je ne veux pas mourir. D'autres bruits se font entendre. Je panique trop pour les identifier mais ça se rapproche de moi. Je suis prise en sandwiche dans un petit sentier, entourée d'arbres et de buissons. C'est comme un petit chemin dans une immense foret. Maintenant je peux voir à quelques mètres de moi les branches bouger. Le bois qui cède sous le poids de quelqu'un... quelque chose. La silhouette qui se découpe sous la pénombre. J'aimerais hurler. J'aimerais fuir. J'aimerais récupérer mon pistolet. Mais je suis tétanisée. Paralysée. 

 

Une nuit de pleine lune. Un ciel parfaitement dégagé, laissant voir la clarté blafarde de cet astre régissant la nature de certains individus. Au loin, les premiers hurlements se font d'ailleus entendre. Les Loups sont de sortie, et il ne fait pas bon de traîner dehors, si on ne sait quels dangers nous guette... Pourtant, il est une jeune femme qui ne semble pas s'en soucier, déambulant au gré des rues, vigilante et attentive au moindre trou d'ombre, au moindre crissement de pas  ou de signes révélant la présence de ces monstres...

Elle se rapproche des espaces verts, des parcs où ces Loups peuvent se défouler, ou être susceptible de trouver d'éventuelles proies... Sa poigne se ressert sur ses armes, quand elle entend un hurlement proche. Puis des halètements, signe d'une présence humaine. Charlotte fonce dans la direction perçue, voit une jeune femme visiblement tétanisée en plein milieu du chemin... Et non loin, l'un de ces cabots... Sans réfléchir, la Potentielle s'élance, attrapant l'humaine pour la faire tomber au sol,il s'en était fallu d'un cheveu que le Loup ne soit sur elles.

"-Qu'est-ce que tu fais? Bouge! Va t-en... Mais ne reste pas là."

Charlotte parle sèchement, se tournant vers le Loup, attirant son attention sur elle, plutôt que sur l'autre demoiselle effrayée. Elle n'a pas le temps de s'en soucier qu'il est déjà fonçant. Les lames sont tirées. Des coups partent. La brune esquive avec agilité, le fatiguant de se mouvoir ainsi, pour ensuite le neutraliser. Ce n'est qu'une fois sa cible bien atteinte et ne se relevant pas qu'elle daigne se tourner vers l'humaine, avisant le pistolet non loin... Qu'est-ce que..

"-Je suis Charlotte... C'est un pistolet anesthésiant, non? Que comptais tu en faire, l'endormir? Il t'aurait bouffé bien avant que tu l'atteigne... Les Loups ne sont pas de grosses peluches gentilles, tu sais?

La poussée d'adrénaline retombait, et avec elle, une certaine lassitude se fit sentir. Il s'en était fallu de peu... Et si l'humaine était munie d'un tel objet... Alors elle savait ce qu'elle avait devant elle... Une Potentielle? Si peu sûre d'elle, au point de se mettre en danger bêtement... Non..

"-A quoi joues-tu? Tu veux te faire tuer?"

Charlotte est toujours contrarié, n'hésitant pas à parler rudement, mécontente de ce qu'elle vient de voir. A quoi pensait donc cette inconsciente, à agir ainsi.. Pour quelles raisons souhaitait-elle tenter d'endormir le Loup...

"-Une fois endormi, tu aurais fait quoi? Il est bien trop lourd pour que tu le déplaces, si c'était l'idée que tu avais en tête. Qu'est-ce que tu comptais en faire?"

 

Cette créature est là. Juste là, en face de moi. Ses crocs luisent sous l'éclat de la lune. Sa bave dégouline. Ses yeux jaunes me fixent. Putain. Je vais mourir. Une sueur froide secoue ma carcasse de chair de haut en bas. La nausée me gagne. J'ai envie de crier et de fuir mais je reste clouée sur place. Impuissante face à mon propre corps je suis condamnée à affronter ma mort. Sauf qu'un boulet de canon humain me fonce droit dessus. Cette fois mes cordes vocales s'animent et je lâche un hurlement, surprise par cette intervention. Étalée sur le sol, je peine à croire ce qui se trame... ce qui a faillit se passer. Mes yeux remplis de larmes, je me redresse sur mon séant. Pour le moment, mes jambes tremblent beaucoup trop pour supporter mon propre poids. J'inspire. J'expire. Trop vite. Si je ne me calme pas je vais hyper ventiler et perdre connaissance.

L'inconnue venue à ma rescousse se bat contre la créature. Vive et agile, elle met en déroute le lycan et cette fois, une autre forme de crainte me foudroie. Une poussée d'adrénaline m'oblige à me relever. Je dois agir. Je dois empêcher cette femme de tuer le pauvre lycanthrope. J'ai à peine le temps d'amorcer quelques pas en direction de mon arme qu'il est déjà trop tard. Le corps de la bête s'écroule pour ne plus se relever. Mon souffle se bloque dans ma poitrine. La vision de cette pauvre carcasse inanimée emplit mes yeux de larmes. Un élan de compassion me compresse le cœur jusqu'à le réduire en bouillie.    

— Je suis Charlotte... C'est un pistolet anesthésiant, non?

L'inconnue me saute presque dessus, rude et moralisatrice. J'avise un instant mon arme d'un simple regard avant de reporter mon attention sur la brune. J'aimerais lui répondre mais je suis encore sous le choc.

— Que comptais tu en faire, l'endormir? Il t'aurait bouffé bien avant que tu l'atteigne... Les Loups ne sont pas de grosses peluches gentilles, tu sais?
— Je sais.

Le choc et l'incrédulité se délitaient pour laisser place à de la colère. Je ne suis en aucun cas idiote. Inutile de s'adresser ainsi à moi. Surtout que je bouillonne de cette rage causée par un sentiment d'injustice. Il est immoral d'avoir tué ce lycan. Ce n'est ni plus ni moins qu'un meurtre.

— A quoi joues-tu? Tu veux te faire tuer?
— Non.

Même si ça a bien failli arriver. Je serre des dents afin de ne pas élever la voix, afin de ne rien dire de fâcheux. Cette colère bouillonne toujours, elle est bien là, mais j'ai cette voix dans ma tête. Petite voix assourdissante qui me répète que cette inconnue, cette meurtrière, vient malgré tout de me sauver. Je ramasse mon pistolet électrique et la contourne pour m'en aller.

— Une fois endormi, tu aurais fait quoi? Il est bien trop lourd pour que tu le déplaces, si c'était l'idée que tu avais en tête. Qu'est-ce que tu comptais en faire?

J'éclate. Je me tourne vivement pour lui faire face. Je suis d'un ordinaire calme et effacée. Comme on a également pu le constater je suis une horrible trouillarde mais l'adrénaline, la peine, la déception et la colère font un cocktail des plus explosifs.

— Et toi, tu comptes faire quoi au juste? Déplacer le cadavre? Tu viens de le dire toi-même, il est trop lourd! D'ailleurs, tu as conscience que cette pauvre bête reste un humain 28 jours dans le mois? Ce que tu viens de faire n'est ni plus, ni moins, qu'un meurtre! J'espère au moins que tu en as conscience!

Accusatrice, je pointe mon arme en direction de l'inconnue... et je peux le jurer à qui veut bien m'entendre... ce qui suit n'est qu'un accident. Le coup part et j'électrifie la prénommée Charlotte. J'insiste, je l'ai électrifié et non électrocuté. Elle va s'en remettre mais surprise par mon propre geste qui, je le rappel, est accidentel, je balance mon arme par terre. Ces trucs là son démoniaques! C'est pour ça que je refuse de chasser, à la base!

— Oups? Toujours vivante, contrairement à notre pauvre lycan?

On se rassure, si ces jours étaient attentés, je m'inquiéterais d'avantages. Par contre je ne réalise que maintenant si la décharge ne tue pas une simple humaine... elle n'aurait jamais suffit à neutraliser temporairement un lycan. Cette pensée m'arrache un frisson d'angoisse.