Le karma est une garce | feat Azalée

Trop facile. Néanmoins ça ne lui déplaît pas, pas cette fois-ci en tout cas. La nuit dernière elle est partie en chasse contre un démon deux fois plus gros et grand qu'elle. Une lutte acharnée qui lui a valu plusieurs ecchymoses et "égratignures" sur le corps. Avec pareil blessures la poupée blonde est contrainte à un peu de repos. En tout cas, elle n'a plus la possibilité de combattre pour les jours à venir. Alors autant s'adonner à une autre de ses occupations. Une occupation bien plus lucratif : le vol d'artefacts. Satisfaite de son larcin, elle pénètre à l'agence Llyod & Devos Investigation en sifflant. Sa démarche féline et confiante la mène jusqu'à l'accueil où elle aperçoit Basile de dos.

— Tu m'as l'air de bonne humeur.

Le demi-démon se retourne avec un large sourire... mais en voyant la blondinette il bondit et se recule vivement, manquant de se casser la binette en butant contre les pieds du fauteuil. La peur de Basile interpelle la blonde qui sort immédiatement son arme à feu.

— Nom d'un bonhomme en mousse! Ne me tire pas dessus!

Les mains devant lui en signe d'apaisement, il hésite à se rapprocher. What the fuck? C'est quoi son problème? s'interroge la franco-galloise.

— Pourquoi je te tirerais dessus?
— Pourquoi tu as sorti ton arme?

Le regarde de la blonde navigue alors entre son flingue et Basile. Dire qu'elle est perdue est un euphémisme. Quelle mouche a donc piqué le demi-démon? Roxane inspire. Puis expire. Finalement elle a bien envie de lui tirer dessus, agacée par la situation.

— Il se passe quoi exactement, ici? questionne une voix en provenance de la cuisine.

Cette fois, c'est la voix d'Elkan. Le sorcier arrive à son tour à l'accueil et se fige en voyant Roxane. Son faciès imprime un mélange d'ahurissement et de dégoût. Okay... là, la chasseuse commence à s'inquiéter. Il se trame un truc et "le truc" en question visiblement c'est elle.

— Quoi?! Qu'est-ce que t'as à me regarder comme ça?! qu'elle aboie à l'intention du nécromancien.

Il hésite, tourne ses prunelles en direction de Basile à la recherche de soutiens. Soutiens qui arrive difficilement mais le demi-démon décide de répondre à la place du viking.

— Ton vissage... Roxane... Tu... hum...

Le nécromancien reprend la parole, cette fois d'un air moqueur.

— Tu t'es regardée dans un miroir, dernièrement?

En panique, pas du tout rassurée, la blonde accourt jusqu'au toilette les plus proches pour se regarder dans le miroir. La réaction ne se fait pas attendre :

— AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH!


Ses poings martèlent la porte de la boutique. Véritable furie qui s'acharne avec l'énergie du désespoir. Son visage... Son si beau visage... Envahit de pustules répugnantes. Jamais Jude ne doit la voir avec ça sur la tronche! Bordel, non, elle ne peut pas vivre avec ça! Elle ne peut pas rester avec ça ne serais-ce qu'une nuit entière! Jamais! Et elle insiste, la blondinette. Elle fera amende honorable. Elle le jure. Le promet. En tout cas elle essaiera.

— Ouvre-moi! Je sais que t'es là!!!  

Elle plaque son visage contre la vitrine dans l'espoir de voir quelque chose à l'intérieur. Néanmoins elle doit avouer ne pas y voir grand chose... en partie parce qu'elle porte des lunettes de soleil. C'est impossible, il doit bien y'avoir quelqu'un. La chasseuse a volé l'artefact une petite demie heure avant la fermeture. La boutique est fermée depuis pas si longtemps, doit forcément y avoir quelqu'un qui traîne dans la réserve ou quelque chose dans ce goût-là.
 

Bitch please! qu'elle fulmine intérieurement. C'est que la propriétaire se fout ouvertement de sa gueule. La blondinette ne rêve pas, là?! Elle serre des dents et plisse les yeux derrière ses lunettes de soleil. Une flopée de jurons menace de s'échapper mais elle continue de serrer les dents. Basile lui répète souvent : si tu n'as rien de gentil à dire, garde le silence. Alors l'humaine ravale sa fierté en même temps que sa salive. Elle déglutît, inspire, expire. Rester calme...

— Ouvre-moi tout de suite! qu'elle s'emporte en s'acharnant sur la poignet.

Okay... Roxane a du travail à faire en matière de zen attitude. En même temps elle a la gueule ravagée par des pustules. Non pas des boutons... mais d'horrible pustules. Merde. Elle a déjà traversé l'adolescence elle ne veut pas revivre ça. Même si dans le fond elle n'était pas à plaindre, pas comme sa camarade de classe Rosette. Déjà qu'un prénom comme Rosette n'est pas facile à porter mais ses boutons n'arrangeaient en rien sa côte de popularité.

— Ecoute...

Elle se mordille la lèvre pour contrôler le lot d'insultes tournant à mille à l'heure dans son esprit. Voler n'est pas un crime okay? En tout cas pas suffisamment grave pour mériter une face de pestiférée. La blonde cesse de malmener la porte et tente de sourire. Putain c'est pas crédible ni beau à voir avec une tronche pareil. Et merde... C'est quoi ce petit "pschiiit" qu'elle entend? Horrifiée... non, mortifiée... Roxane réalise qu'en souriant une pustule vient d'éclater sur sa putain de joue. Elle en couine de désespoir, la blonde.

— Elles sont chouettes tes pustules. C'était marrant. Tu m'aides à m'en débarrasser maintenant?
 

Elle jure de se la faire un jour! Pas dans un lit mais dans une ruelle. Non, mais non! Pas de cette manière là, bande de pervers! Non, Roxane se jure de lui botter l'arrière train... un jour. Peut-être. Parce qu'en dépit de sa colère elle n'est pas entièrement folle ou idiote. S'en prendre physiquement à une sorcière c'est suicidaire. Même si elle parvient à faire douiller la propriétaire sur le moment, les représailles coûteraient chère. Bien plus que d'ignobles pustules. L'humaine se concentre, elle redouble d'effort pour ne pas laisser sa colère éclater. Elle déglutit, s'efforce de sourire de manière polie mais elle semble constipée du cul depuis des jours. Vous savez, le genre de crotte bien musclée qui vous défonce le cul comme une bonne grosse sodomie. Ouais ça lui troue le cul de rester calme quand son seul souhait c'est d'exploser de rage.

— Me moquer de vous? Je n'oserais jamais.

Sa mauvaise foi se devine autant qu'un scénario de l'inspecteur Derrick. Pourtant le désespoir est bien là. L'envie de chialer dans les jupons de sa mère également. Roxane estime ne pas avoir d'atout principal, physiquement. Contrairement aux autres femmes, elle n'a pas le loisir de montrer ses jambes, ses bras, son ventre, son dos. Elle dissimule la moindre parcelle de peau. Son corps n'est attirant que si il est dissimulé. Ne lui reste donc que son visage. Son si beau visage... elle refuse de vivre avec un truc pareil sur la gueule! La sorcière donne ses conditions et le regard de la blonde s'illumine. L'artefact! Elle l'a prit avec elle! Une chance qu'elle n'ai pas eu le temps de se poser ou de le revendre. Si les pustules étaient apparues le lendemain... là, ça aurait été délicat.

— Je l'ai! qu'elle s'exclame, ses mains se plaquant contre la vitre. Je l'ai avec moi!

Elle trépigne, se dandine sur ses deux pieds avec impatience. Finalement elle retire ses mains de la vitre et prend sur elle pour ne pas s'acharner sur la poignée. Une preuve. Il lui faut une preuve, la preuve que l'objet est bien sur elle. Alors la chasseuse s'empresse de fouiller les poches de sa veste en cuir. Ses doigts s'agrippent au médaillon et fière d'elle, elle le tend devant elle.

— Ouvrez-moi, maintenant.


 

Pendant un instant, Roxane n'y croit plus. Pendant un instant, l'espoir qu'elle a eu s'envole. Cette femme ne lui ouvrira jamais la porte! Elle restera a vie avec ses pustules, elle en est persuadée! L'aide d'Elkan elle en veut pas! Lui et Jude ne sont même pas fichue d'aider le fantôme Coraline ou Anya le zombie! Comment pourraient-ils aider Roxane la pustuleuse? Sauf qu'au final la porte s'ouvre et la blonde rentre dans la boutique. C'est un vrai combat contre elle-même pour ne pas courir à l'intérieur jusqu'à la sorcière. Elle essaie de rester calme, tente de ne pas trépigner sur place comme une sale morveuse. Sauf qu'en vrai s'en est une. L'objet passe entre les mains de la proprio qui marmonne un truc que Roxane soupçonne être une incantation puis elle lui désigne un miroir. Le coeur de la blonde se gonfle de joie mais également d'appréhension. Et si c'est une blagounette et qu'elle a toujours ces trucs immondes sur la face? Elle retient sa respiration et va jusqu'au fameux miroir. Son reflet est resplendissant. Réalisant qu'elle a bien retrouvé son visage elle lâche un soupir et se permet de respirer à nouveau. Elle ne peut s'empêcher de se contempler encore et encore. C'est quand elle réalise qu'en agissant ainsi elle ressemble à Elkan et à sa manie de chanter "je suis beau" dans la salle de bain qu'elle se détache du miroir.

Roxane écoute la mise en garde de la sorcière. Se venger? Quelle idée! Elle n'est pas assez folle pour s'en prendre à une sorcière. C'est déjà difficile de simplement les voler... La chasseuse se pince les lèvres. C'est une impression ou elle a des humeurs changeantes? Non parce que là voilà qui affiche un sourire. Roxane n'a pas vraiment envie de sourire. En vrai elle trouve ça louche alors elle l'avise d'un air suspicieux. Elle pense halluciner un court instant. Prendre un thé, ensemble? Pour discuter de quoi? De comment Elkan va se foutre de sa gueule pendant des mois voir des années? D'un autre côté, maintenant que Roxane n'a plus ces pustules dans la face, elle doit bien se l'avouer, elle a la classe cette sorcière. Alors elle prend quelques secondes pour réfléchir, une moue sur le visage.

— Hum... d'accord. Je suis partante pour le thé.

Malgré sa réponse favorable on devine sa méfiance. C'est le côté paranoïaque de blondie. Elle essaie de rationaliser la situation. Si elle avait voulu l'entourlouper y'aurait bien des manières différentes. Des manières qui ne nécessitent même pas la présence de la chasseuse.  

— Vous offrez souvent le thé aux voleurs? Non parce que si c'est le cas, vous devez être vandalisée souvent.

Petit sourire malicieux en coin des lèvres. Elle taquine parce que c'est plus fort qu'elle. Rester sagement dans son coin sans rien dire ou ne rien faire ça ne lui ressemble pas. La poupée blonde commence à déambuler dans la boutique, se demandant bien lesquels de ses objets pourraient provoquer la mort en cas de vol. C'est plus fort qu'elle, à quelque part ça la fascine, ça l'attire. Elle y voit là comme un challenge pour un futur peut-être proche. Ou peut-être pas.

— Et ce thé on se le prend où? Dans l'arrière boutique? qu'elle questionne en se désintéressant des étagères.


 

Il est facile d'endormir la méfiance d'autrui. Des sourires, quelques éclats de rire et des paroles bien aimables suffissent. Pourtant Roxane n'est pas dupe. Roxane est surtout une paranoïaque qui voit le mal absolument partout. Alors elle ne croit que partiellement la sorcière lorsqu'elle prétend plaisanter. Il est en réalité tout à fait possible qu'elle désire vendre les organes de Roxane. Néanmoins la sorcière serait vite déçue. La chasseuse boit et fume beaucoup trop donc bon, pas certaine que ces organes intéressent qui que ce soit.

Consciente de ne pas mener bien large pour le moment, Roxane parcours néanmoins les étagères, curieuse de connaître les secrets qu'elle recèlent. Des objets dont elle ne connait pas l'utilité mais dont elle ne doute pas instant de leur valeur. Se risquera t-elle à voler une seconde fois la propriétaire des lieux? Malgré elle un sourire s'esquisse sur ses lèvres. Vous savez ce qu'on dit... il ne faut jurer de rien. Bien que ses pustules ont disparu il y'a à peine une minute, c'est déjà de l'histoire ancienne pour la chasseuse.

Suite aux avertissements d'Azalée, blondie s'éloigne des étagères. Elle n'aimerait pas finir sans doigts ou sans cheveux. Malgré sa méfiance, Roxane est curieuse. Alors quand elle lui désigne une statuette, blondie s'approche du comptoir pour mieux l'observer. Aussi intéressée qu'amusée, les claires prunelles de Roxane se détournent de la statuette pour se poser sur Azalée. Malgré elle, un sourire s'esquisse sur ses lèvres en voyant la proprio pouffer. Un peu loufoque, la madame mais pas désagréable.

— Intéressant.

Dans son esprit, déjà mille et un scénarios se jouent. Des projets de vengeance ou de sabotage, notamment. Néanmoins elle revient au présent et suit la sorcière dans son bureau. Pas une seule fois elle quitte la sorcière des yeux, de peur qu'elle mette un truc louche dans son thé. Un thé anglais qu'elle avait demandé. Elle aime ce petit goût de bergamote. La propriétaire des lieux se présente et Roxane décide d'en faire autant.

— Roxane Austen.

Cette méfiance ne la quitte pas et même en voyant la sorcière tremper ses lèvres dans le thé, elle hésite à faire de même avec sa tasse. Elle avise sa boisson chaude et réconfortante avant d'en saisir la hanse. Discrètement, elle renifle le contenue, essayant de déceler la moindre odeur suspecte. De son point de vue là, déjà, elle ne détecte rien d'anormal.

— Vous savez, je suis blonde mais pas idiote.

Roxane repose son thé sans même y avoir touché.

— On n'invite pas une voleuse à prendre le thé à moins d'attendre quelque chose de celle-ci, je ne me trompe?

Même si elle a du trouver la prestation de Roxane pitoyable. En tout cas blondie n'en est pas très fière. Elle est habituée à réussir ses larcins. Même dans le monde magique, il est rare qu'elle se fasse avoir aussi facilement. Pourtant là, elle s'est fait grillé comme une pauvre et misérable débutante. Que peut-on attendre d'une personne comme Roxane? La chasseuse n'en sait encore rien mais si c'est rémunéré alors ouais, ça se discute.

— Vous désirez que je vole un concurrent pour vous? C'est possible, vous savez. Mais ça se monnaye.  

La patience n'est pas une qualité dont Roxane peut se targuer. Lorsqu'elle pose une question elle attend une réponse immédiate. Là, elle se retrouve face à un silence, contrainte d'attendre. Elle croise ses jambes moulées dans un pantalon de cuir et prend sur elle pour pas montrer son empressement. Les claires prunelles de Roxane se fixent sur la sorcière, elle guette, elle attend. La sorcière sort une boîte d'un tiroir et la curiosité grandissante de Roxane amplifie son impatience. Azalée sort une photo et Roxane l'examine. Où veut-elle en venir? Elle ne tarde pas à le savoir et à la mention de son frère, la chasseuse lève un regard surpris sur Azalée. D'où elle connait le frangin? D'un autre côté, ça ne la surprend à moitié d'avoir en face d'elle une sorcière un peu délurée. Parfaitement le genre de son frangin. D'ailleurs un sourire cocasse s'esquisse sur les lèvres de blondie. La sorcière bien aimée ou bien baisée de Jude? Elle ravale bien vite son amusement pour en revenir au sujet principal. Pour ce qui est de la mésaventure de Roxane... C'est malheureusement trop tard. Elkan va se faire un plaisir de tout raconter au jumeau et cette perspective lui arrache une grimace.

Azalée explique que sur la photo, il s'agit de son frère et qu'elle aimerait bien le savoir mort. Ah. Chacun son truc. Roxane veut se taper son jumeau et la sorcière veut tuer son frangin. Deux envies profondément différentes mais tout aussi controversées. Cette fois la sorcière a capté l'entière attention de la chasseuse. La proposition d'Azalée est alléchante. Très alléchante à dire vraie. Des protections, la chasseuse en aurait bien besoin par moment. Considérant la proposition qui lui est faite, elle croise les bras et se cale confortablement contre le dossier de sa chaise.

— Quelques protections feront l'affaire, qu'elle lui assure.

Pour le moment en tout cas. Avec les combines qu'elle a trouvé dernièrement, Roxane n'est plus vraiment en manque d'argent. Surtout qu'elle loge à l’œil chez le frangin, en dépit des protestations d'Elkan. Genre elle va payer un loyer? Nah mais il rêve! La sorcière souhaite apprendre à se battre et suite à cette annonce, Roxane avise son interlocutrice du regard. Puis elle manque de s'étouffer... de rire! Car oui, la chasseuse part dans un fou rire instantanée et incontrôlable. Jude? Trop gentil? Nah. Trop chiant? Ouais! Mais jamais il ne dirait qu'une femme ne peut se battre. Roxane est bien la preuve du contraire. Et être qualifiée de garce prête à lui casser la gueule oh bon sang! C'est le pompon de l'hilarité! Roxane se tient le bide et en chouine tant elle rit. Décidément! Cette soirée est pleine de rebondissement! Roxane inspire, expire, plusieurs fois. Elle tente de se calmer et lorsqu'elle y parvient enfin, elle essuie ses yeux d'un revers de main. Elle renifle et se penche pour prendre la photo du frangin à abattre. D'un coup, d'un seul, la chasseuse reprend cet air sérieux. Comme si jamais elle ne s'était tapée un fou rire. Comme si cette parenthèse n'avait jamais existé. Un changement brutal qui parfois en effraie plus d'un.

— Votre frangin c'est un sorcier ou juste un humain?

Roxane a des valeurs un peu douteuse mais contribuer à la mort d'un être humain... c'est franchir une limite qu'elle se refuse. Les sorciers aussi, d'ailleurs. Toutefois, lui apprendre à se battre? Oui. C'est complètement faisable. Aucune femme ne devrait craindre ou redouter les malversations des hommes. Si c'est un tueur sanguinaire comme elle le prétend alors il est essentiel de lui venir en aide. Roxane soupir et repose la photographie sur la table. Elle a en mémoire le visage d'Arthur et si elle venait à le croiser dans la rue elle sera en capacité de le reconnaître. Roxane décroise ses jambes et pose ses avants bras sur la table. Penchée vers Azalée, ses claires prunelles s'ancrent dans celle de son interlocutrice.

— Je dois juste vous mettre en garde sur une chose essentielle. Vouloir tuer quelqu'un et passer à l'action sont deux choses complètement différentes. La moindre hésitation de votre part et c'est votre mort qu'on aura à déplorer. Vous me comprenez?

Roxane sait parfaitement de quoi elle parle. Ses débuts de chasseuse n'ont pas été facile. Elle avait cette hargne en elle. Cette rage, cette colère qui ne demandait qu'à sortir. Elle désirait plus que tout tuer ces êtres sanguinaires. Oh oui. Elle voulait se venger de cette nuit d'enfer à être torturée. Et pourtant le moment venu, elle avait hésité... et ça a bien failli la tuer. Et il n'avait s'agit que d'un inconnu. Qu'en serait-il pour Azalée?
 

Les avertissements d'Azalée ne tombent pas dans l'oreille d'une sourde. Loin de là. La chasseuse se contente de hocher la tête, un imperceptible sourire en coin. Il est vrai que la voler à nouveau est tentant pour le challenge, la p'tite montée en adrénaline mais ça ne vaut clairement pas la peine. Pour les exploits et les pics de sensation forte, elle a la chasse. Un domaine dans lequel elle excelle d'avantages.

Malgré tout le sérieux qu'essaie de se donner Roxane elle n'a pu contenir son fou-rire. L'évocation de son jumeau comme trop gentil l'a achevé. Ah! Judicaël sera content de savoir comment Azalée le perçoit. Quoi que, finalement, elle préfère garder cet entretien secret. Une fois calmée, elle parvient à arborer un faciès neutre. Pauvre sorcière qui se demande si elle a mal jugé les gens. La chasseuse se contente d'un sourire espiègle aussi éphémère qu'un mirage. Car en dépit de son hilarité, Roxane comprend très vite la gravité de la situation. En tout elle en devine les prémices, ne se trouvant pas encore au bout de ses peines. La question qui franchit les lèvres de la chasseuse n'a rien d'agréable. A dire vrai, la réponse d'Azalée sera déterminante pour la suite.

Roxane, qui s'était penchée le temps de sa question, se redresse pour se caler contre le dossier du siège. Par automatisme, elle croise ses jambes. Ses claires prunelles se dardent sur la pauvre Azalée. La chasseuse scrute la moindre de ses mimiques, écoute avec attention la moindre parole, étudie la moindre intonation. En tout les cas, l'aversion qu'éprouve la sorcière à l'encontre de cet Arthur est puissant, authentique. Le genre de hargne que Roxane avait jadis ressenti contre le vampire lui ayant volé son innocence.  

— Je vois, qu'elle se contente de répondre.

Sauf que non, elle est loin d'avoir vu... Et Azalée ne ment pas lorsqu'elle affirme le lui montrer. La sorcière s'empare de sa main. De ce simple geste en découle alors une flopée d'images et de sensations horribles. Des morts, des tonnes de cadavres qui se juxtaposent les uns à la suite des autres. Hommes. Femmes. Enfants. Bébés. Animaux. Roxane aime la violence mais ce n'est en rien une meurtrière. Elle tue les monstres, les créatures démoniaques. Elle se délecte de la violence avec les âmes cabossée comme elle, désireuses d'être malmenées. Dans son grand paradoxe elle est même végétarienne. Alors chacune de ses images la heurtent car il s'agit-là de crimes gratuits, pour seul motivation le chaos, la destruction, le pouvoir. Une haine si profonde que s'en est semblable au néant, un abysse sans fond, sans limite. La chasseuse est prise d'une chair de poule violente, le cœur au bord des lèvres. Les images cessent et Azalée se détourne à temps pour ne pas voir la blonde réprimer un haut le cœur.

La colère s'enlise dans le cœur de Roxane. Une haine profonde envers cet inconnu. Pour ce qu'il est, ce qu'il représente. Une part d'elle ne peut s'empêcher de s'identifier à Azalée... tout en sachant pertinemment que la sorcière est mille fois plus à plaindre. Roxane ne peut que compatir à son cas. Lorsque la sorcière se tourne à nouveau vers la Austen, elle tente un trait d'humour. Bien essayé mais Roxane n'est pas dupe. Comment peut-elle aller bien avec tout ça? Toutefois, qu'elle essaie de garder la tête haute malgré tout en dit long sur la personnalité d'Azalée. Un trait de caractère que Roxane ne peut qu'apprécier.

— Ce qui est bien avec les clichés, c'est qu'on sait comment ça va se terminer.

Si la sorcière tente d'afficher un sourire, Roxane ne se donne aucunement la peine. Le visage grave, le regard déterminé et des éclairs de rage dans le fond de ses iris, elle se redresse. Ses prunelles se fixent sur celle de la sorcière.

— Et ce cliché-là, on va le dézinguer comme de véritables héroïnes.

Mais là, oui, là, ses lèvres s'étirent. Diabolique mais espiègle Roxane. Elle fera d'Azalée victorieuse de cette histoire. Car elle le mérite. Car elle refuse de laisser un monstre tel qu'Arthur courir les rues. Parce qu'il doit payer. Ils doivent tous payer un jour ou l'autre.

— On commence l'entraînement quand tu veux.

Partager des souvenirs c'est intime, n'est-ce pas? Surtout de tels souvenirs. Alors le vouvoiement, on peut bien aller se le fourrer bien profond dans le cul de Judicaël.
 

Une âme dévorée par les ténèbres? Un brin songeuse, Roxane se demande quelle sensation l'on éprouve dans un tel cas de figure. Est-ce que cela va au-delà d'une profonde déprime? Probablement que oui. La blonde essaie de s'imaginer combien cela est horrible... avant de réaliser que c'est impossible à représenter ou expliquer. Certains maux ne connaissent aucuns mots, aucunes descriptions capable de rendre justices aux tourments subis. C'est exactement le genre de châtiments qu'Arthur mérite, d'après ce qu'elle a pu en voir.

Pour ce qui est de l'entraînement d'Azalée, la chasseuse tique un peu et grimace. Deux jours par semaine seulement? Cela lui paraît si peu. Surtout si la sorcière souhaite progresser rapidement. A une époque, Roxane s'entraîner tous les jours, des heures durant. Elle chassait et traquait sans répit et finalement, elle ressemblait constamment à un hématome géant. Finalement c'est peut-être mieux ainsi, deux jours dans la semaine. C'est raisonnable, pour commencer.

— Dans ce cas tu peux me caser à ces deux périodes là.

Roxane se permet un coup d'oeil indiscret en direction de l'agenda. C'est gribouillé de partout, comment Azalée s'y retrouve? Blondie tente toujours d'alléger son agenda au mieux. Non attendez... Roxane ne tiens absolument aucun agenda. Elle gère au jour le jour la plupart du temps. Pourquoi se casser le cul à planifier des tonnes d'événements à l'avance quand elle peut clamser d'une minute à l'autre?

— Dimanche, viens me voir à l'agence de Jude et d'Elkan.

La chasseuse se lève de son siège, un sourire en coin. Ses claires prunelles se coulent sur la sorcière et un éclat malicieux transperce ses iris. D'une certaine manière, Roxane est impatiente d'être à dimanche. C'est toujours marrant d'enseigner à quelqu'un les rudiments du combat.

— Je te donne pas d'horaire, viens quand tu peux. Est-ce que ça te vas?