Follow me in the dark † mini intrigue - feat Coraline & Rose

Voilà quelques semaines que j'étais installée en ville et à ne pas y louper, à chaque fois que je passais devant ce vieux bâtiment, un frisson me parcourait l'échine. Il ne s'agissait en rien d'une sensation positive, bien au contraire. La chair de poule, suivie de certaines interrogations, curieuse et à la fois inquiète, il me fallait découvrir ce qu'il se passait en ces lieux. Il s'agissait d'un vieux sanatorium, peut être, s'agissait-il simplement des énergies du passé ; celles qui restent ancrées dans les murs, absorbant le malheur de ses hôtes ? Pour en avoir le cœur net, j'avais décidé de me rendre sur place dans l’espoir d'examiner de plus près les raisons pour lesquelles je me sentais si mal à l'aise quand je m'approchais de la vieille bâtisse.

Le contexte était déjà flippant. La nuit, l'obscurité percée par l'astre de nuit qui brillait de son plein dans un ciel noir. Heureusement, j'avais amené un petit sac renfermant quelques bougies ainsi qu'un livre de divination. J'avais pas mal médité avant de venir sur place, préparant mon corps et mon esprit à faire le vide pour mieux pouvoir aider quelques âmes qui auraient pu s'égarer entre ces murs mortifères. Évidemment, je ne savais pas réellement de quoi il retournait et la peur s'installa en compagnon pour me susurrer la prudence. Après tout, il pouvait s'agir de tout autre chose, je me trouvais sur la bouche de l'enfer, seule, comme attirée par ce lieu mystérieux et chargé d'ondes négatives, j'espérais seulement ne pas me retrouver face à une menace encore trop imaginée en théorie. Un vampire ou pire un démon qui se serait logé dans cet endroit sordide... Je possédais quelques dons, quelques armes, certes, mais je n'avais encore jamais affronté pareil danger. J'épousais donc le courage et pénétrais d'un pas décidé dans l'enceinte du sanatorium. Plus mes pas frôlaient le sol humide plus je me rapprochais d'un centre énergétique puissant. Je le sentais, je le ressentais s'insinuer dans chaque parcelle de mon corps, dans chaque recoin de ce lieu maudit et pourtant si mélancoliquement joli.

J’eus d'abord l'idée de visiter chaque pièce, mais je me sentais bien trop oppressée, placée là au centre de l'entrée principale. Après quelques respirations relaxantes, histoire de laisser s'insinuer le vide pour mieux être réceptive, je m'assis en tailleur, ferma les yeux quelques secondes avant d'allumer les mèches que j'avais pris soin de disposer en cercle autour de ma personne. Je traçais un pentagramme invisible, mais protecteur dans les airs et commença quelques incantations afin de décharger un peu l'air pollué de ces énergies nuisibles.
Les bouffées de vent glacial me brûlaient le visage, mais je réussis à faire abstraction des gênes ambiantes et me concentrai profondément. Les minutes passaient, j'entendais seulement mon souffle léger ainsi que les battements de mon cœur, eux aussi, très discrets. Je disposais mes mains l'une en face de l'autre, je souhaitais canaliser l'essence de mon souffle de vie, pour ainsi le dissiper entre ces murs, afin d'équilibrer un peu plus les sombres forces qui se jouaient ici, en cette heure. Puis je fus coupée net, un claquement de porte, la flamme de mes bougies qui dansaient avec intensité, j'ouvris les yeux, à l’affût du moindre détail qui aurait pu m'interpeller. Attentive et patiente, je faisais preuve d'un calme olympien.

Légèrement surprise, l'atmosphère se faisait de plus en plus pesante. Les flammes continuaient leur danse endiablée et plus les secondes s'écoulaient plus leur rythme devenait saccadé. J'observais, les pupilles grandes ouvertes, tout autour de mon assise. Je ne voyais absolument rien et le sentiment que l'on m'observait s'incrusta précisément parmi toutes mes interrogations presque obsessionnelles et déjà bien présentes.
L'heure n'était pas à la plaisanterie, la concentration devait rester intact si je voulais comprendre ce qui se jouait en ces lieux maudits. Je savais pertinemment que je n'avais pas le droit à l'erreur. En effet, ce n'était pas la première fois que j'avais eu à communiquer avec les esprits et il fallait faire preuve d'une assurance à toute épreuve, d'une force redoutable au risque de se laisser envahir par un sentiment d'effroi ou bien pire encore ! Oui, je pouvais en témoigner, la possession n'avait rien d'un fantasme, elle existait bel et bien, il n'y avait qu'à connaître et comprendre les dimensions démoniaques, qui presque toutes, souhaitaient entrer en contact avec notre monde. C'est ainsi que je commençai un travail sur l'éther, essayant de créer un bouclier d'énergie invisible et bienveillant, tel une carapace protectrice et si fragile à la fois, mais qui avait au moins le mérite de me faire sentir en sécurité, plus confiante, et entourée d'une chaleur agréable ; comme dans un cocon imaginé et imagé ; l'énergie était mon domaine, mon plus fidèle alliée. Chacune des sorcières foulant cette Terre savait que sans travailler l'énergie, leur science, leur art était inutile, tout partait de là, sous le voile, l'éther, il suffisait ensuite de s'assurer d'équilibrer les forces utilisées afin de ne pas trop courber la réalité ; sans compter que chaque acte avait ses conséquences, surtout en magie noire, mais bon, ça, c'est une autre histoire...

En ce moment précis, il était encore impossible de déterminer à qui j'avais à faire en ce soir lunaire, et malgré que j'avais le savoir-faire en terme de divination, l'issue restait toujours incertaine. Oui, un démon avait des ressources et selon son degré de puissance, celui-là même aurait très bien pu savoir utiliser de ses charmes, de ses avantages divers et variés pour se faire passer pour un simple esprit errant en quête d'attention puis il suffisait d'une seule personne trop crédible et il aurait réussi sa mission... Non, je refusai de laisser le doute s'insinuer en mon sein, je chassai alors vite fait ses idées de ma tête, pour travailler l'esprit libre. Je ne pouvais me permettre de trop me remettre en question, le risque était bel et bien là et j'avançais tout droit vers un avenir proche et encore incertain... La chance, sera-t-elle de mon côté en ce soir de mai ? Aurais-je assez de puissance pour lutter, si lutte il y a ? Saurais-je maîtriser mon corps et mon âme avant que l'éventuelle bête ne s'en empare ? En tout cas, j'avais les armes et l'expérience nécessaire pour espérer une issue en happy end, je pouvais l'espérer du moins.
L'analyse de mon environnement ne cessa donc pas, il me fallait être l'affût du moindre détail si je voulais entrer en contact avec la force noire qui faisait tant transpirer les mûrs du sanatorium. Esprits perdus ou malins, là se trouvaient la question... Allais-je tenir le rôle de la sauveuse ou du gibier ?

C'est alors qu'un bruit violent résonna à travers l'entrée principale. Mon corps fit un bond et je me hâtai de me relever en centre de mon cercle pour ainsi me donner une contenance. Il s'agissait d'un claquement de porte. Le vent, en était-il la raison ? Le doute n'était pas réellement permis, vu la force de l'écho, je jugeai vite que c'était impossible. La brise légère bien que rapide et brouillonne n'était en aucun cas responsable de ce trou dans le silence. L'atmosphère devint un peu plus pesante et je crus entendre une voix au loin. Je n'osais pas m'aventurer plus profondément dans la pénombre de cette pièce, je voulais canaliser mon attention en plein centre de l'entrée, que je jugeais comme le point chaud de ce lieu, mais peut être que la vieille bâtisse me réservait quelques surprises supplémentaires... Et si il y avaient plusieurs menaces potentielles ? Je m'avouais que je n'y avais pas tellement songé jusque-là. La peur nichée dans ma gorge, sous la forme d'une petite boule d'angoisse, battait de son plein et l'adrénaline engendrée par cette émotion primaire me fit trouver le courage nécessaire pour m'enfoncer un peu plus loin en ces ruines, abandonnant mon matériel de secours au milieu de l'entrée. Le noir s'intensifiait, mais les rayons de l'astre de nuit vinrent éclairer mon passage et je découvris vite une chevelure, puis la forme d'une silhouette, puis une femme. Je sentis bien vite sa nature, une âme en peine, sûrement perdue ou simplement trop attristée pour retrouver la lumière mystérieuse d'une douce mort. Avec soin, je décidais donc de prendre contact et lançai un salut discret en sa direction...

Bonsoir, je me présente, je m'appelle Rose... Je ne suis pas là pour vous déranger, bien au contraire, je pense même pouvoir vous aider...

Tandis que je m'avançais doucement vers l'entité nouvelle qui me semblait si douce et fragile, je fus stoppée net par sa réponse. Craintive, certainement perdue entre le désir de rester sur Terre pour raisons affectives ou matérielles, elle ne pouvait évidemment m'accorder sa confiance d'instinct. Je respectai ainsi ses craintes, et m’arrêtai là, à quelques mètres de sa silhouette si bien dessinée pour une simple entité. On aurait tellement pu s'y tromper, elle était si semblable au genre humain...
Il s'agissait sûrement d'une âme en peine, une de celles qui refuse d'accepter sa nouvelle condition et ainsi repoussait l'évidence ; l'évolution. Mon but en cet instant précis était de lui faire comprendre sa condition et pourquoi pas la faire avancer sur sa propre voie qui me restait toujours inconnue puisque ici, j'avais encore mon enveloppe matérielle comme tout à chacun.
Alors que je mettais un point d'honneur à me faire accepter, main dans la main avec la douceur, la porte d'entrée claqua si fort que je crus déceler là sa peur. Convaincue qu'elle en était la cause, je ne prêtais pas attention à cet instant d'une violence soudaine et restais concentrée sur son visage ombragé afin de distinguer peut être les traits particuliers de son visage féminin. Malheureusement, je n'en avais pas eu l'occasion, le destin frappa avant, me guidant dans une toute autre optique, me faisant par conséquent changer mes priorités et ainsi délaisser mon altruisme premier.

En effet, les choses s'accéléraient au sein du sanatorium. Une vague de froid poignarda l'espace, et toujours persuadée que l'esprit face à moi déclenchais les événements, je souhaitais la rassurer, mais aucun mot ne voulut sortir de ma bouche, qui elle, devenait de plus en plus pâteuse. Un stress inopiné qui coupa mon élan d'amour envers l'invitée du moment. Une masse, un poids, une vibration nouvelle et insultante vinrent à leur tour percer ma frèle stabilité. La peur s'insinua quand le plafond laissa émaner par ondes, ses vibrations, sous le coup d'un bruit tonitruant et qui s'était abattu là-haut... Crispée, mal à l'aise, j’appelais la prudence et c'est sans contrôle que mes yeux parcouraient déjà les alentours à l'affût du moindre petit indice qui traduirait mes futures actions. L'escalier m'attirait entièrement, d'ailleurs, le fantôme en face de ma carcasse, était tout aussi captivé et me proposait même d'y jeter un coup d’œil !
Brièvement, je me posais la question de sa responsabilité dans cette affaire, mais je compris vite qu'elle n'y était pour rien et qu'elle aussi était véritablement captivée et peut être même effrayée par ce qui se jouait dans le moment présent.

Alors qu'elle me proposait d'emprunter ce chemin, je ne lui répondis pas, trop absorbée par le couloir sombre qui se tenait là devant ma vision traversant l'intense obscurité. Je ne distinguais pas grand chose encore, le mystère était devenu maître du lieu, et seulement une voix vint troubler mes interrogations passagères. Rose... Rose... Rose...
En boucle, cette voix, où plutôt cette pensée insistante, qui ne m'appartenait pas et envahissait ainsi mon cerveau. Elle avait le pouvoir de se saisir de mes instincts, de manipuler ma curiosité, je le sentais au fond de mon cœur, ce n'était pas quelque chose de bien, mais je ne pouvais me résoudre à m'en débarrasser.
J'abandonnais alors totalement l'idée de découvrir ce qui se jouait au-dessus de nos têtes pour me laisser guider à travers le noir de ce corridor interminable. J'ignorais totalement l'esprit qui se tenait devant moi, trop saisie au plus profond de mon âme par cet appel étrange et déroutant.