C’est pas moi ! + Tribu Austen - Pays de Galles

Il l'énerve. Il l'énerve vraiment avec ses grands airs de monsieur je sais tout et ses binocles trop grandes pour sa tronche de cake. La gamine plisse les yeux, le fixant de ses claires prunelles. Pourquoi il est venu lui causer, d'abord? Elle ne l'aime pas. Il ne l'aime pas. La dernière fois il a essayé de lui faire bouffer la racine d'un pissenlit. Alors elle lui a mordu le bras à sang. Ce jour-là elle a eu droit à un sacré savon de ses parents et de nunette. Mais c'est lui qu'avait commencé, s'était-elle justifiée de son air trop fière. Ne jamais sous estimer la fierté d'une fillette de six ans. C'est aussi important que son paquet de billes.

— Hey bah en vrai, le père noël il existe pas. C'est mon grand frère qu'il l'a dit.

Sacrilège! Malédiction! Comment peut-il blasphémer ainsi?! Blasphémer... Roxane n'a pas trop idée de ce que ça veut dire. Elle l'a juste entendu une fois dans une église quand elle a osé dire que le petit Jésus existait pas. Logique, y'a que le Père Noël qu'est tout puissant. Et la petite souris.

— Bah ton grand frère, il pue des fesses et c'est une tête à poux! C'est pour ça qu'il invente que des mensonges, d'abord.

Pas contente, la sale gosse croisse les bras sur une poitrine encore inexistante. Le garçon âgé d'un de plus qu'elle s'approche, visiblement en colère des insultes de Roxane. Malgré ses trois immenses centimètres de plus qu'elle, la petite ne bouge pas d'un poil. Elle le défie du regard.

— C'est ton frère qui pue du cul et ta mère...

Quoi? Déjà, y'a que Roxane qui a le droit de dire que son frère pue du cul. Ensuite, même pas on essaie d'insulter sa mamoune. Elle lui laisse pas le temps de finir sa phrase qu'elle le pousse de toute ses forces. Surpris, il recule, recule, tente de retrouver l'équilibre mais bute contre une petite pierre à la con avant de trébucher dans l'immense flaque de boue. Le bruit de sa chute ne passe pas inaperçue et il commence à chialer.

Crotte de zut!

Il va rameuter sa maman à chouiner comme ça.

— Je vais le dire à ma mère!

Ah bah tiens... Roxane lui tire la langue et cours jusque chez elle. De toute façon le voisin c'est rien qu'un rapporteur. Consciente d'avoir fait une connerie, elle décide de se faire toute petite et rentre donc par la porte qui donne dans la cuisine. Qu'elle n'est pas sa stupéfaction de trouver son frangin sur une pile de boîte... à la conquête de cookie. Les yeux de la blondinette s'illumine aussitôt et elle s'approche de la chaise.

— On partage, hein? qu'elle demande.

Le sourire mauvais qu'elle affiche veut tout dire : partage où je hurle... Ou, et c'est probablement l'avertissement le plus probable : partage où je retire une des boîtes de ta pile branlante.

Le marché est nul. Pourri caca! Dès le départ. Roxane sait pertinemment qu'elle va se faire engueuler à cause du voisin. Elle sait aussi que l'Atari, elle va pouvoir se l'enfoncer bien profond dans le trou de la narine. Alors non. Elle ne lui cédera pas une heure de plus. Ce qui est ridicule puisque dans tous les cas... elle n'y aura pas accès. Ce qui l'emmerde c'est l'idée de voir Jude y jouer alors qu'elle, non. Et ça c'est pas juste! Vraiment pas. Elle croise ses petits bras, réfléchissant. Pourquoi y'a qu'elle qui se ferait punir, d'abord? Alors elle plisse les yeux, fixant son jumeau. Il a pas l'air très malin comme ça, précaire sur sa pile de boîtes. Le pire c'est qu'il essaie de négo... négo... Zut. Elle ne se souvient plus du mot mais elle sait ce que ça veut dire. Enfin presque. En vrai elle a juste conscience qu'il tente de négo... négotruc avec elle. Pour Roxane les choses sont claires. Elle va se faire punir. Elle va être privée de la console... mais pas Jude. Si elle accepte, elle l'aura les cookies... et Jude aura les cookies et la console. Si elle refuse le marché, elle peut s'arranger pour que Jude n'est ni les cookies ni la console. Alors elle affiche un sourire mauvais.

— MAMAN!!! JUDE VOLE LES COOKIES!!! que la gamine hurle à plein poumons à en rendre sourd n'importe qui.

C'est qu'elle a la voix qui porte, la gamine. Dans le même élan, elle tape dans la pile de boîte qui, sans surprise, s'écroule. Ce qu'elle n'a pas prévu c'est le frangin qui se casse la gueule sur elle, l'emportant dans sa chute. Elle a mal. Enfin pas vraiment et pourtant, elle commence à chialer comme si on l'avait amputé un bras. Parce que si elle prétend avoir bobo, sa maman sera moins enclin à la gronder pour avoir poussé le voisin dans la boue. Faut juste qu'elle se mette d'accord avec elle même. Elle a mal au crane ou au coude? C'est difficile de choisir. Une main sur le dessus de la tête, l'autre sur le coude, elle continue de brailler que Jude lui a fait mal pour la faire taire.

Tout bien installée sur ma petite chaise basse, attablée à ma petite table, j'étais concentrée sur mon dessin fait à la craie où je dessinais notre maison et les gens de ma famille, avec chacun un détail les distinguant, selon moi en tout cas. Il fallait bien que je m'occupe et j'adorais jouer avec les craies, ou les feutres. J'en venais souvent à finir les mains et le visage couverts de pleins de couleurs, au grand dam de ma famille. Enfin ça faisait bien rire les jumeaux, mais très souvent je ne me rendais pas compte de l'étendue des dégâts.  Puis les couleurs c'est joli ! Je ne savais pas trop où se trouvaient mes frères et sœurs, mais peu importe, je chantonne des petites parties de comptines galloises, enfin surtout l'air baragouinés pour la forme. Ce qui m'importait le plus était le dessin, mon si joli dessin !! A un moment Maman entra dans la pièce où je me trouvais, avec le petite dernier dans ses bras. J'avais tourné mon regard vers eux rapidement, mais repartis dans mon dessin. J'entendis Maman s'approcher et lancer un «  Oh ! Ton dessin est très joli Lisa, continues ainsi »

Surprise et très contente, j'ouvris de grands yeux en regardant ma mère, avec un grand sourire, et répondit d'une voix claire :

« Merchi Ma 'an ! »

Et je la regardais quitter la pièce. Je l'aimais tellement ! J'étais étonnée quand son ventre avait été  tout rond. Jude m'avait expliqué que notre petit frère était dedans. Je ne comprenais pas trop comment c'était possible. Mais il n'empêche que lorsque le petit était né, elle n'avait plus son ventre en ballon de baudruche. Oui son ventre me faisait penser à un ballon de baudruche, oui j'aime les ballons ! Les ballons c'est chouette !
Je repartis à mon dessin mais j'entendis un peu plus tard :

« MAMAN!!! JUDE VOLE LES COOKIES!!! »

Cookies...Cookies...CCOKIESSSSSSS !! J'adore les cookies !! Je relève ma tête d'un coup. Je lâches mes craies, mon dessin n'a clairement plus d'importance. Mon ventre prend le contrôle et je me lève de ma petite chaise d'un coup, la renversant au passage  et j'accoure dans la cuisine. Roxy est là apparemment. Je crapahute et je déboule dans la cuisine, devant un spectacle assez surprenant : pleins de boites étalées par terre, a boite de cookie au sol, un peu renversée, des cookies au sol, Roxy et Jude l'un sur l'autre, qui ont apparemment mal et Jude avec du rouge, comme lorsque j'étais tombée et que je m'étais bien écorchée le genoux...du sang....ça crie chez les jumeaux. Maman arrive juste après moi, élève la voie mais le ton de voix était inquiet. L'atmosphère était stressante, lourde. J'étais inquiète aussi, j'avais peur. Mon frère et ma sœur avait mal, et j'entendis le mot téléphone et urgence. Mais ce que je voyais était plus parlant. Je me sentais agitée. Mes yeux était alarmés et je me sentais oppressée et des larmes débarquaient et coulaient sur mes joues. Je comprenais certaines choses et pas tout. Mais je sentais que des choses se passaient. Je m'approchais de ma sœur et mon frère, en écrasant des cookies dans mon sillage...

« Roqchi ! Jute ! Z'allez mourir ? Ze veut pas ! Ze veuuut pass ! »

Je chouinais en reniflant ma morve et continuant de pleurer. Ma respiration n’accélérais. Je m'agenouillais près d'eux et leur touchais chacun un bras dans tout cet enchevêtrement. Je ne savais pas quoi faire , je voulais juste montrer que j'étais là

« MAAAAAMAAANNN !! »