Pris la main dans l'froc — JudyLou

Un faune effaré montre ses deux yeux Et mord les fleurs rouges de ses dents blanches. Brunie et sanglante ainsi qu'un vin vieux, Sa lèvre éclate en rires sous les branches. — Rimbaud

La tonalité lui gueulait dans les oreilles, fanfaronnant sans égard pour le malaise du jeune chérubin. Que son grand-frère ne réponde pas n’arrangeait pas l’affaire d’un Lou perdu et perplexe, alors qu’il déambulait maladroitement dans son appartement devenu soudainement trop petit, trop étriqué ; tout comme son pantalon, d’ailleurs. Troquant son ‘boyfriend’ peut-être trop casual, le gringalet enfilait maintenant une jupe, bien plus ample et plus pratique pour cacher un peu plus adroitement l’objet de son égarement. Ni une, ni deux, les clés dans une poche et sa veste jetée sur sa carcasse, le jeune Austen entreprit alors de rejoindre la bande de loufoques dans leur QG, priant pour que son ainé soit présent. Une chance qu’il habite si près de sa fratrie !

Il aurait peut-être fallu qu’il le prévienne… Ou qu’il sache un peu mieux planquer le coquin qui – quelle audace – voulait prendre l’air et montrer au monde le bout de son foutu nez. La poignée de minutes qui le séparait de son grand-frère lui parut être une éternité et il n’arrivait pas assez vite à son goût, alors, dans un effort presque surhumain pour la ‘potentielle’ ratée qu’il était, Lou gravit les quelques derniers mètres en trottinant, son ‘fardeau’ pesant toujours un âne mort dans sa jupe.

« Judicaël ! » – dans son empressement, le jeune affolé manqua de s’allonger de tout sons long dans l’entrée du QG. – « JUDICAËL ! » D’un geste de la main, il salua les autres, tout le petit peuple qui habitait plus ou moins les lieux, tout en cherchant toujours le grand freluquet. La panique montait et son mal être, lui, ne se dissipait pas, cet enfoiré. « …JU_ » Même s’il était désespéré, lui rentrer dedans ne faisait pas partie de ses projets, et, la carrure de son grand-frère n’aidant pas, Lou se retrouvait plié en deux, grommelant dans sa barbe inexistante des suppliques pour que la douleur et pour que son cauchemar cessent enfin. Alors, dans un élan où se mêlait peine, désarroi et impuissance — d’une certaine manière, tout du moins… — Lou s’accrocha à Judicaël, les yeux dans le flou, littéralement. « Je sais pas ce qu’il se passe Jud’, j’ai mal… J’ai super mal ! Et à la fois… À la fois pas vraiment… Mais j’sais pas quoi faire, qu’est-ce qu’il se passe encore ?! J’en ai pas assez chié dans ce corps en kit ?! » L’entendre jurer était assez rare : le problème criait l’urgence et semblait vraiment, vraiment insurmontable.

Un faune effaré montre ses deux yeux Et mord les fleurs rouges de ses dents blanches. Brunie et sanglante ainsi qu'un vin vieux, Sa lèvre éclate en rires sous les branches. — Rimbaud

«... J'te jure, c'était pas censé faire ça, hein. Jude ? Tu m'crois, hein ? J'te jure, j'comprends pas... Doit y avoir une couille dans l'bouquin, là.

Tu renifles et tu régresses, vite. Si vite. Ta glotte tremble alors que tu lâches un grognement agressif, puis de baisser tes prunelles impartiales sur le petit démon lézard.

- … J'vais t'payer, gars... M'regarde pas comme ça, qu'il couine, l'autre.

T'agites ta hache collée de grumeaux verdâtres. La poisse. Ça colle sous ta dextre. L'odeur est dégueulasse. Le miasme putride et chaud agresse tes naseaux et ça gratte. Tu crois même avoir un bout de cervelle dans l'oreille. Tu le vois se dandiner en fixant les œufs du démon femelle que tu viens de liquider, agite ta hache et te précipite sur son col pour le plaquer contre la brique. Le truc a explosé. Littéralement. EX.PLO.SE.

- Dis donc, Groork, tu serais pas en train de t'foutre de ma gueule, à tout hasard ? Que tu siffles entre tes maxillaires, ton nase qui se colle au siens.

Il bafouille, piaille, tremble. Ses yeux blêmes et reptiliens vont de la marrasse dégoulinante à ta gueule de traviole et il déglutit.

- J'te file 20% sur la r'vente.
- 80%, j'ai buté la mère pendant que tu chialais en appelant la tienne.
- QUOI ? Attends, non, mais...

Ton outil de carnage grince sur la pierre à en faire trembler la chaumière du dessus, à tel point que le petit con pourrait presque en chialer.

- D'ACCORD ! Qu'il capitule. D'accord j'te file la plus grosse part et j'te paie dès qu'on a tout revendu.

CLAK.

- D'accord, d'accord, j'te paie maintenant ! Pas la peine d'être un sale rustre !

Tu renifles, le relâche et lui colle une petite claque sur la joue en lui offrant ton plus beau sourire de tête à claques.

- Beh tu vois quand tu veux ! Bon, emballe-moi tout ça et nettoie ma hache.

Et te voilà déjà barré, sifflotant sur un air guilleret à imaginer le paquet de pognon que va te rapporter la proie.

C'est Elkan qui va être content.


«  - EWW.

Tu soupires, frotte avec plus de nerfs et lance un regard peu affable à la petite brune.

- Alex, t'as pas autre chose à foutre ? J'sais pas, emmerder ton rosbif, faire ton job de potentielle, respirer un autre air que le miens ?

La brune te lance un regard et semble faire mine de réfléchir, puis te lâche un sourire mauvais en haussant les épaules.

- Non !

Ah la garce. « Judicaël ! » Quoi ? « JUDICAËL ! » Lou ? « …JU_ » paf. Le doux bruit d'un corps qui se gaufre t'arrive à l'oreille droite, la gauche toujours bouchée, et tu lèves les yeux vers la potentielle, arcades froncées.

- J'crois qu'on t'appelle, soupir la jeune femme en tournant la page de son magasine de guitare, reprenant son machouillage de bâton de sucette avec concentration.
- Ah ouais, tu crois ? Tu rétorques avec agacement.

Putain, tu vas te la faire, celle-là. Littéralement. T'as un faible exaspérant pour les emmerdeuses et elle te chauffe clairement depuis le départ. Tu regardes avec dépit ta chemise complètement saccagée, déchirée et tâchée. Pas moyen de la récupérer. T'es à peine sortie que le frangin s'est collé à ta carne, chouinant comme un … Grook en détresse. Ton petit frère baragouine des paroles insensées et t'as à peine le temps d'en placer une.


Lou.


D'accord.


- DU CALME !

T'agrippes l'un des petits derniers par les épaules et penche ta grande carcasse pour le jauger droit dans les mirettes, lui secouant le cocotier sans ménagement.

- DU CALME LOULOUTRE, tu beugles en lui chopant les deux joues, écrasant ses pommettes à lui en faire exploser les rétines. Respire. Inspire.

D'un geste lent, tu tournes le menton, avisant Alex, vautrée contre la chambranle de la porte de ton bureau. Aussi lentement, tu tournes le menton vers ton frère en inspirant, décourbant ton échine pour le choper par l'épaule.

- Sur la terrasse, maintenant. Tu vas m'expliquer sans piquer de crise, je viens de passer une sale journée. »

Un faune effaré montre ses deux yeux Et mord les fleurs rouges de ses dents blanches. Brunie et sanglante ainsi qu'un vin vieux, Sa lèvre éclate en rires sous les branches. — Rimbaud

Le cerveau encore trop embué, Lou n’entend qu’à moitié ce qu’on lui dit et ne distingue que vaguement que finalement, son frère ne lui parle peut-être pas à lui, au début. Qu’importe, le gamin reste figé, accroché à Jud’ comme une sangsue dans l’œil d’un croco’. Il agrippe aussi sa jupe, presque gêné d’en porter une aujourd’hui, alors que ça ne lui a jamais posé de problème auparavant… Finalement, le jeune Austen se fait à moitié trainé jusqu’à un balcon, la carcasse toujours voutée, comme refermé sur un secret — plus très secret — qui n’a encore aucun sens, pour Lou.

Une fois dehors, une fois giflé par la fraicheur de l’air, Lou se déplie un peu et se détend ; il n’y a plus les autres, ces autres qui pourraient le juger et qui ne comprendraient pas, surtout. Il relâche un peu son étreinte sur son frère et soupire longuement. Ses yeux sont plus concentrés, il n’a clairement plus l’air aussi hagard ou les trait tirés par la panique ; la présence de son ainé a cet effet sur lui, il l’apaise, le met en confiance sans même franchement essayer.

« J’ai mal à la BITE ! » — il panique encore un peu, complétement dressé, alors qu’il montre de ses mains la tente qu’il a sous la ceinture — « Qu’est c’que je dois faire avec ça Jud’ ?! » Le gamin s’énerve un peu, passe ses mains dans sa tignasse en bataille puis sur son visage fatigué. C’est qu’il a mal pioncé, le chérubin, à tourner en rond dans son pieux jusqu’à ce que finalement, épuisé, il finisse par piquer du nez dans un bouquin ennuyeux à crever… Pour se réveiller en sueur, l’image de cette mystérieuse femme collé dans sa caboche, sensuelle, merveilleuse et divinement parfaite. Il ne la connaît même pas, cette inconnue, il la voit sans vraiment la voir, s’imagine avoir des visions et est presque sûre qu’elle n’existe pas, ou rien que pour lui, dans sa tête… Mais même si elle n’existe pas vraiment, nul doute qu’elle a de l’effet sur le jeune homme : sa glorieuse trique matinale, première de toute sa vie, lui a fait coucou de sous son drap.

« Je sais pas quoi faire ! On fait comment pour que ça parte, hein ? » — Les cours de sexualité arrivent 10 ans trop tard et c’est sur Jud’ que ça tombe ! Le garçon se dandine sur ses talons, le regard vissé sur cette tente qui bouge et se remue au rythme de ses gesticulations. « J’ai déjà essayé de taper dessus. Ça n’a pas marché. Ça fait un mal de chien, mais ça n’a PAS MARCHÉ ! » Il soupire et finit par regarder son aîné comme si c’était l’homme le plus intelligent du monde, celui qui détenait tous les secrets et tous les savoirs de cette Terre… Ah ! Même si c’est complétement faux, Lou est persuadé que niveau zigounette, il saura trouver une solution ! Mais il est plus calme maintenant et ça semble même lui soulager cette douleur qui lui tiraille son vermicelle.