Devil's playground | feat libe

— Bonjour mon enfant, en quoi puis-je vous aider?

La voix du prêtre se veut écho et rebondit contre les vitraux de l'église. Un sourire bienveillant et bien trop mielleux sur le coin des lèvres, il s'avance dans l'allée, laissant le bruit de ses pas bercer le silence religieux qui règne en ce lieu.  

— Je veux le pardon mon père, parce que j'ai pêché.

Un désarroi feint se peint sur mon faciès. D'apparence vulnérable et fragile, je garde les bras fermement pliés contre moi, mes doigts s'agrippant au tissus de mon chandail. Poupée de verre. Poupée de gèle. Je demeure immobile à l'entrée de ce lieu saint.

— Approchez mon enfant, et venez me confesser vos erreurs.

Obéissante telle une enfant modèle, je m'approche sous les regards inquisiteurs des statuettes dispersées au sein de l'édifice. Elles me jugent, me dévisagent. Le malin s'invite dans la maison de dieu et si vous saviez comme il se dit de vous, pauvre mortel. En compagnie du prêtre, je prend place sur l'un des nombreux bancs. Le silence nous enveloppe de son manteau protecteur. Le calme avant la tempête. Mes jambes chocolats s'offrent à la vu de cet humain aux mœurs légères malgré ses vœux. Ses vices n'ont pas de secrets pour le serpent que je suis et ce soir, ce sont ses mêmes vices qui le mèneront à sa perte.

— J'ai commis des actes atroces. J'éprouve des désirs sales, impurs. Les portes de l'enfer me sont ouvertes, que je murmure avec un désespoir alarmant.

Mes prunelles se dardent alors sur le prête que je sonde dans l'attente d'une réponse. J'attend, mon prêtre. J'attend ton salue le plus absolue.

— Mais non, voyons, qu'il ose affirmer pour me rassurer. Le chemin de la rédemption est long, souvent douloureux, mais accessible à tous.

Je cesse alors de tripoter mon chandail pour poser une main sur sa cuisse. Il se raidit mais ne repousse en rien. Faible petite chose. Je gonfle ma poitrine d'un espoir inexistant.

— Vraiment? que je souffle, mon visage soudainement proche du sien.

— Oui, qu'il acquiesce.

Croit-il seulement en ce qu'il raconte? Qu'il est bien pratique de se cacher derrière un dieu. Qu'il est lâche de s'inventer des histoires. Il se raidit un peu plus. Son pouls s'accélère. Le désir commence à naître au creux de ses reins.

— Qu'importe notre pêché? que je m'hasarde, mon corps s'approchant toujours un peu plus.

— O... oui...

Il bafouille, troublé.

— Vous me rassurez, que lui assure.

Ma main remonte, vile et perfide. Mes doigts se perdent et je peux sentir le sang qui crépite sous sa peau. Le rouge lui monte aux joues pour mieux redescendre, si vous voyez ce que je veux dire. J'en ai croisé des prêtres mais alors lui, il détient la palme du plus vicelard... dans cette ville en tout cas. Ce n'est pas pour rien que je l'ai choisi cette nuit. J'ai envie de jouer un peu. Juste un peu car la faim me tenaille.

— Nous ne sommes que des Hommes, après tout,

Il répond d'une voix étranglée. C'est bien mon prêtre, étrangle-toi avec tes pêchés. Tu es la honte de tes dignes représentant. Celui que j'ai croqué le mois dernier lui, croyait dur en ses convictions. Mais toi...

— Je confirme... vous n'êtes que de simple mortel.

Il tique un peu sur la formulation de ma voix. Ses sourcils se froncent un instant. Il n'est peut-être pas entièrement idiot. Les rumeurs courent en ville. Des choses rôdent la nuit. Vient-il de réaliser qu'en cet instant précis, le diable vient de s'inviter dans sa demeure? Oh j'espère que oui. Ferme et sans pitié, j'attrape sa tignasse, l'obligeant à tordre son cou. Il hurle. Je me transforme. Il continue de hurler. Je plante mes crocs dans sa carotide. Non seulement le sang coule comme du bon vin mais en plus, il se tait une bonne fois pour toute. Il se débat et s'agite dans les premières secondes puis ses forces le quittent. Son palpitant ne devient qu'un faible murmure mais peu m'importe car ma soif, elle, est assouvie. Sans de considération pour cette carcasse, je le laisse choir sur le sol et essuie ma bouche d'un revers de la main. Je dois vraiment apprendre à manger plus proprement.

— Pensez-vous toujours, mon prêtre, que le Seigneur pardonne nos pêchés? question qui n'attend aucune réponse. Il est mort. Pardonnez-moi Seigneur, parce que j'ai tué mon père.

Et j'en ai tué tant d'autres avant lui. Et j'en tuerai tant d'autres après lui.