Need you tonight ◘ Anne&Mina

Dans un bar chic, 4ème arrondissement de Lyon, août 2000.

L’étau de la prise affole sa carne. Elle tire, gronde, convulse ses prunelles jaunies sur la barre de fer perforant son abdomen et prend une inspiration inutile pour l'arracher d'une traite. Le hurlement de douleur ne tarde pas à faire vibrer ses lippes pleines. La tige de métal rouillé souillé de son hémoglobine noircie déjà à vu d’œil tandis que la rousse lâche un gémissement agacé. Douloureux. Spasmodique. Ses esgourdes perçoivent encore les battements de cœur d'un survivant.

« - Pezzo di merda, qu'elle jure, l'indignée.

La vampire se défait de son pire faciès. Il ne sied guère à une lady de se pavaner avec une pareille dégaine. Et tout en boitant jusqu'à sa cible, elle crache, jure et psalmodie diverses promesses de tortures à l'enfant de putain qui a osé la drainer de son énergie. A-t-il la moindre idée de la galère que représente un mois entier de substitution, de nos jours ? Ses talons plats claquent contre le bitume et ses grandes guibolles la traînent tant bien que mal vers sa proie. Le miasme sanguinolent vadrouille jusqu'à ses naseaux et elle étire malgré elle un rictus bestial et joyeux.

- Tu m'auras pas, salope, il ose , le couillon.

Elle hausse un arque, l'une de ses grandes pattes vissées sur sa propre plaie béante. Ses orbes turquoises vaguent de la barre qui perforent son thorax, sûrement pile entre deux organes, à la tronche rougie de l'ingrat.

- Ma quante seghe mentali che ti fai !


Il fronce les sourcils, preuve marquante de l'incompréhension qui l'habite devant les paroles saccadées de l'Italienne.

- Ta gueule, sale chien ! Qu'elle interprète vulgairement avant de lui filer un coup de savate en pleine mâchoire.

L'os craque. La nuque suit le mouvement. La tête dodeline sur le côté et... Tombe sur l'épaule, tel Nick quasi sans tête. Et contrairement à ces abrutis de films Japonais, aucun geyser de sang ne dégouline de l'extrémité à moitié découpée pour finir en feu d'artifice. Rien qu'un pauvre bout de bidoche effilochée et quelques morceaux d'os. La rousse crache à terre, filant un dernier coup de pied inutile au macchabé avant de tourner les talons.

- Finocchio. »

Foutus traquenards. Encore une ventre d'artefact qui fini mal. La belle volcanique soupire en avisant sa tenue ensanglantée, l’entrepôt jonché de cadavres et la caisse remplie de figurines hyper colorées pour enfants, elle-mêmes tachées de sang. Des « trolls », d'après ses maigres connaissances en la matière. Sûrement un jeu de mot ou un humour douteux qu'elle ne parvient pas vraiment à déchiffrer.


Rentrer pour changer de tenue, recoudre sa plaie et se donner une apparence correct ne fut pas aisé. Mais en De Santis qui se respecte, Mina arbore à nouveau sa fidèle allure sulfureuse. Elle déplore l'utilisation du fond de teint pour couvrir son teint trop cadavérique, résulte du manque cruel d'hémoglobine dans système organique. Merci aux sales enfoirés. Le sang en poche planqués dans son frigidaire ne pourra rien pour elle, pas ce soir. C'est du sang naturellement chaud et gorgé de bonnes vielles vitamines humaines, qu'il lui faut. Le Seven devil's étant trop éloigné pour la non morte, la voilà prostrée dans un bar bondé de mortels. Quoi que, ce blond avec un look douteux ne semble pas vraiment humain, à vrai dire. Quelque chose de magique émane de sa carcasse. Un trajet en voiture avec son chauffeur aurait été fatal pour ce dernier. La rouquine supporte mal le cantonnement. Surtout dans un tel état. La vampire a le port fier, le dos droit, le menton haut, et pourtant, la douleur qui arrache sa chair au niveau de sa taille ne cesse de la tirailler. Et c'est là, qu'elle la voit. Les femmes ne sont jamais ses cibles. Que ça soit pour se nourrir ou assouvir des désires plus lubriques. Le fait est que l'odeur de cette dernière est suffisamment enivrante et Mina complètement affamée, pour qu'elle daigne lui rendre son regard.

Fixe. Obsédant. Troublant.

Un véritable trou noir à la couleur océan. Ses prunelles vont de la femme à la place libre juste à côté d'elle. Elle a trop faim, pour résister à un appel si facile, si docile. Trop besoin de remplir ses veines drainées pour se permettre de chipoter. Tuer ne l'intéresse plus. Pas après le massacre du hangar.

Alors jeu de main, jeu de vilain.
L'humaine succombera entre ses mains.