Huitième arrondissement de Lyon, Le loup qui hurle, juillet 2000
J'balance ma tête en avant, puis en arrière. Putain ce que ça tourne dans ce bar ! Je louche à moitié sur le balcon de ma voisine, puis détourne mes iris claires vers mon voisin de gauche. Mes lippes se tordent en une grimace déconfite et mes sphères polaires se révulsent. Eurk, c'est un cauchemars ce mec ! Je me décale lestement vers la charmante brune à ma droite. Mes pupilles la jaugent à nouveau mais, mes arcades froncent mes azures troublées. Elle avait l'air plus mignonne et moins poilue que ça, tout à l'heure. Et c'est là que la nana me fixe et me gratifie de sa grosse voix virile :
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Qu'es-ce t'as, connard ? Wow ! Mes globes sont comme deux grosses billes plantées comme deux boules de billard sur ma gueule. C'est pas une nana ça !
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Putain, mec, tu devrais penser à changer de coiffeur, sérieusement ! Le brun à la toison ébouriffée ,appelons-le Pédro, se lève et m'assaille d'un œillade peu amène. Je crois que je viens de le contrarier. Oups ?
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Et toi, tu devrais penser à fermer ta gueule, la blondinette !-
La tienne sent le fauve ! Je m’esclaffe en haussant un sourcil. Je me lève à mon tour, lui laissant admirer les jolis centimètres qui nous séparent. J'espère pour lui que la vue est bonne d'en bas.
Mais faut croire que ce que Pédro avait dans le balcon, c'était des pectoraux gros comme deux de mes poings.
Chacun. Un petit trapu, je les déteste ceux-là. Le bar tourne et le sol se dérobent sous mes pieds. Je sais pas combien de ces merdes j'ai ingurgité au cours de la soirée, mais mon petit doigt me dit que j'ai légèrement abusé sur le pinard basse qualitée. Je renifle, passe mes poings devant mon visage et fait un gracieux moulinet avec mes bras.
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Allez, viens t'battre, grincheux ! J'ai même pas le temps de le voir venir que son poing me fracasse déjà la mâchoire. Je sens mon corps partir en arrière et je me rattrape de justesse à l'édenté de gauche.
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S'cuzez-moi ! Mes deux pieds à nouveau bien calés au sol, je me redresse, secoue mon faciès douloureux comme un chien fou et m'esclaffe.
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Pas mal, pour un passe-partout !Ca me lance déjà jusqu'à l'os, mais je m'en fous.
L'alcool m'aide à ignorer la douleur.
Le clochard crasseux de derrière s'énerve, pousse son autre voisin et, on entend un verre canonner au sol.
Tout se fige.Les gros yeux de pédro glissent des débris de verre jusqu'aux autres clients qui se lèvent doucement, puis sur moi. Pas une mouche qui pète. Jusqu'à ce qu'il hurle comme un phoque, fonce vers moi et me tacle au sol. Gueule déformée, griffes écartées.
Sans attendre, tout le monde prend le même exemple.
Le capharnaüm commence. Il était temps !